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L’histoire de ce jeune homme (pas celui du milieu mais à gauche) est belle alors j’ai envie de vous la conter. Il s’appelle Isidore Voudounou et il a été un des élèves à qui j’ai fait brièvement la classe en 2009 dans le petit village de Togbota que je découvrais alors.
De tous les enfants de CM1/CM2 que j’avais face à moi, il est le seul dans les yeux duquel j’ai vu une lueur, une étincelle, un désir d’apprendre, une envie de sortir du sillon déjà tracé par sa famille dans la terre fertile que son père et sa mère ont hérité de leurs ancêtres et qu’ils labourent à la main sous une chaleur étouffante.
Il était le meilleur de la classe et j’ai décidé de le prendre sous mon aile. Je ne savais pas en rentrant en France au mois d’avril 2009 si je retournerai un jour en Afrique, au Bénin mais j’étais bien décidé à tenir la promesse que j’avais faite à Isidore avant de partir retrouver ma vie d’occidental : je l’aiderai tant qu’il aurait envie d’étudier. L’envie, seule condition que j’avais posée à mon aide financière.
Et puis je suis retourné au Bénin… plus d’une fois. Chaque fois, je retrouvais Isidore, consultais ses carnets de notes et constatais avec fierté que celles-ci ne baissaient pas. L’envie était toujours là, tenace. Je ressentais de plus en plus chez lui la rage de quitter un jour son village, de réussir afin de pouvoir aider les siens qui eux y resteront, enchainés à leurs cultures et leurs coutumes.
Je recroise souvent nombre de mes anciens élèves qui n’ont pas fait ou pas pu faire le choix d’Isidore. Ils n’éprouvaient pas sa “faim“, sa boule au ventre ou bien ont-ils été victimes de l’avidité ou du désespoir de leurs parents qui les ont vendus comme esclaves au Nigéria voisin. D’autres ont choisi la facilité de l’atavisme familial et ont naturellement atterri dans les champs de piments et de papayes qu’ils cultiveront jusqu’à leur mort.
Pas Isidore. Bachelier depuis le mois de juillet, je viens de l’inscrire samedi dernier à une école de commerce de Cotonou où il bénéficiera des moyens de se nourrir l’esprit. Il disposera également d’un ordinateur portable compris dans le prix de sa formation que j’ai intégralement réglée avec mes propres deniers et non ceux de l’Association.
A l’heure où j’écris ses lignes, Isidore assiste à son premier cours de l’année.
Et moi ? Moi, je suis fier de lui.

P.S. : la personne à droite est l’oncle chez qui Isidore loge et qui a tenu à me remercier pour l’aide que je lui apporte.

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J’aime faire découvrir de nouvelles choses à mes enfants, leur ouvrir les portes du monde ou plus modestement, les portes de mon monde. Ils aiment explorer avec moi, les trésors essaimés sur la surface du globe et, dès l’âge de 10 ans, ils avaient déjà voyagé sur 4 continents.
Mais j’ai pris un gros risque pour la semaine du nouvel an que nous devions passer ensemble… Point d’aéroports cette fois-ci ou de trains à grande vitesse fendant les paysages d’Europe et c’est bien ce qui les intriguait. Car une autre de mes marottes est de leur cacher jusqu’au bout, le programme de nos vacances familiales. J’aime entendre leurs questions, leurs jérémiades et leurs suppliques : “allez papa steuplait ! Dis-nous au moins si on doit prendre nos maillots de bain ?!“, “c’est en Europe ?“ etc.
Disons-le franchement, je n’étais pas à l’aise pour leur avouer dans la voiture de location louée pour l’occasion : “nous allons à Chemilly/Yonne, dans un gite rural“. Non, je n’étais pas à l’aise et ma gêne ne fit qu’amplifier quand je vis leurs visages se décomposer dans le rétroviseur de la Citroën. “Chenille quoi ?“ bredouilla ma fille pensant à une de mes plaisanteries vaseuses. Je répétais tel un GPS notre destination : un village perdu dans l’Yonne, entre Chablis et Auxerre. 5 personnes l’hiver, 0 l’été car ils se barrent tous dès les beaux jours venus.
L’objet de ce voyage était autant pédagogique que sentimental : je voulais leur faire découvrir les lieux de mon enfance et notamment le petit village d’Héry où mes parents possédaient une maison de campagne (à une époque où les impôts nous en laissaient la possibilité). Là, petit garçon, je passais toutes mes vacances et beaucoup de mes week-ends, à construire des cabanes, “jouer à la guerre“ avec des pistolets en plastique et surtout à trainer à la ferme des Blain, agriculteurs et cultivateurs depuis 8 générations et dont nous étions les citadins voisins. Ils me couvèrent de leur affection et rapidement m’invitèrent à participer aux travaux de la ferme : traite des vaches laitières (tâche que j’accomplissais matin et soir), nettoyage de la salle de stabulation, fourrage des bêtes, moissonnage des blés durant l’été… J’aurais pu finir vétérinaire et père de famille nombreuse (les loisirs sont rares et il faut bien occuper son temps comme on peut) si la vie n’en avait décidé autrement.
Je suis retourné avec mes enfants dans la maison qui avait appartenu à mes parents. La propriétaire nous a ouvert grand les portes de son logis alors que je disparaissais sous une lame de souvenirs. Le jardin n’avait pas bougé, la butte de terre où j’aimais me cacher en m’imaginant dans la peau d’un GI américain parachuté pendant l’opération Overlord, s’était un peu déboisée et ne m’offrirait plus guère aujourd’hui de protection contre les mitraillettes allemandes.
Je suis allé ensuite à la ferme des Blain en me demandant ce que j’allais y trouver. Le bonheur, voilà ce que j’y ai trouvé. Le vrai, celui qui vous brûle de l’intérieur comme la bûche dans l’âtre. Je frappais timidement aux carreaux de la cuisine donnant sur la cour en me demandant qui allait m’ouvrir. Les nouveaux propriétaires ? Le fils Blain, Gérard, qui était mon héros quand j’étais petit car il savait conduire un tracteur et qu’il roulait en BMW ? Non… Une dame âgée s’est approchée en fauteuil roulant de la porte et je la reconnus instantanément : Jacqueline, la fermière avec qui je passais mes journées dans les champs. Elle ouvrit et nous fit rentrer dans la cuisine où j’avais développé mon goût pour la bonne chair. Elle nous demanda qui nous étions et j’essayai de la faire deviner en lui offrant le visage de mon fils qui est mon portrait craché à son âge. Las, Jacqueline nous répondit avec son accent paysan que malheureusement, elle ne voyait plus et que la devinette resterait sans réponse si je ne lui donnai quelque indice.
La vérité livrée, elle fondit en larmes en répétant cette phrase chargée de regret : “quel dommage que je ne puisse pas vous voir ! J’aimerais tant voir vos visages !“. Etouffée par l’émotion, enfouie sous la joie que je me sois souvenu d’elle, elle étouffait des sanglots trop sonores pour être cachés. Agée de 90 ans, elle passe désormais ses journées dans son fauteuil devant la télévision en attendant que la mort veuille bien l’emmener de l’autre côté rejoindre son mari disparu il y a 5 ans. Nous avons égréné nos souvenirs communs, tous plus touchant les uns que les autres, devant mes enfants qui avaient du mal à saisir l’importance de cette rencontre historique, certainement la dernière.
Le soir, je leur ai expliqué que ce “voyage“ sur les traces de mon enfance était aussi important et pédagogique pour eux qu’une visite dans un musée ou une promenade sur une jonque. Avec cette odyssée, je voulais leur apprendre à respecter leurs racines et à comprendre d’où ils viennent. Je leur confiais mon espoir qu’un jour, eux aussi, éprouvent le besoin de retrouver leurs traces de pas laissées dans la poussière du temps. Je ne sais pas s’ils ont compris mais ils ne faisaient plus la tête sur le chemin du retour vers notre gîte. Nous chantions et riions et je me suis mis à penser alors, que peut-être cette leçon serait retenue.
Prochaine étape, Paris… enfin… Meudon, dans la banlieue parisienne où je suis né et où j’ai passé 17 ans de ma vie. Je ne leur ai pas encore dit…


J’en ai marre d’attendre que François Volfin, mon chef monteur préféré, ait le temps de monter mon film tourné il y a quelques semaines au Bénin alors je vous en distille quelques moments ce qui me permettra de vous expliciter ce que vous voyez.
Dans le village où je vais, à Togbota, il y a une école que j’aide comme je peux en leur fournissant des craies, des cahiers, des uniformes (obligatoires), des vêtements d’occasion que beaucoup d’entre vous me confient et que je distribue dans les classes.
A chaque fois que j’entre dans une salle de classe, voilà l’accueil auquel j’ai droit. C’est une marque de respect vis-à-vis de celui qui vient leur rendre visite, surtout lorsqu’il vient de loin. C’est pas beau ?
Au fait, le maïs que j’ai acheté avec votre argent a été planté la semaine passée sous la pluie et cela augure d’une bonne récolte au mois d’août. Eugène, mon associé sur place, a réussi à vendre une partie des téléphones et tout le matériel dentaire ce qui nous a permis de collecter 46 000 CFA ce mois-ci !

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Hier soir, j’ai vécu une joie que les parents connaissent de temps à autre. Ce type de petit bonheur mâtiné de fierté que seul un enfant peut procurer à un père. Alors, vous avez envie d’aller sur le balcon et de le présenter à bout de bras aux passants déambulant en bas de chez vous, tel Simba dans l’ouverture du Roi Lion. Vous êtes pris d’une irrépressible envie de hurler : c’est mon fils !!! mais vous ne le faites pas parce qu’avec tous les travaux qu’il y a actuellement dans Marseille, personne ne vous entendrait et aussi parce que vous n’êtes pas assez costaud pour porter à bout de bras ce garçon qui engloutit un paquet de céréales tous les matins.
Mais quelle est donc la raison pour laquelle j’aurais eu envie de célébrer à ce point mon garçonnet âgé de 9 ans ? Je vais répondre à cette question que vous vous posez tous : parce qu’il est rentré en souriant et que, fièrement, il m’a annoncé : “papa, je suis le meilleur de toute l’école !“.
Une larme pris naissance dans le coin de mes yeux verts et resta en équilibre, retenue par ma volonté de contrôler mes émotions et ne pas céder à la sensiblerie. Je regardais ce fils que j’ai bien failli ne pas voir naître en louant le Ciel de m’avoir fait connaître cette joie d’être le père d’un génie. Un de ces enfants qui, plus tard, dirigeront les destinées de notre beau pays à la tête d’un ministère régalien ou bien dans le costume d’un capitaine d’industrie (s’il en reste).
Mon Dieu que j’étais fier de lui ! Je le prenais dans mes bras en le couvrant de baisers, le remerciant de mes lèvres d’être lui. Ainsi, à force de travail ou tout simplement grâce au talent que je lui ai transmis par mes gênes, sa maitresse et l’ensemble du corps professoral, lui avait enfin décerné le titre envié de “meilleur élève de son école“… Artaban, à côté de moi, ferait bien pâle figure et ressemblerait à un adolescent boutonneux venant d’obtenir son permis de conduire après 3 essais infructueux.
Mais c’était trop beau pour être vrai et cette image haute définition se pixellisa au point de ressembler à un jeu video des années 80. Je n’avais pas bien compris et je me suis laissé emballer par une imagination débordante que je ne peux chapitrer puisqu’elle me fait vivre depuis des années. La vérité se fit jour par la voix de ce même fils qui développa sa pensée autant par naïveté que pour me ramener sur terre, voyant bien que je m’étais laissé aller à une envolée stratosphérique dont je suis coutumier.
“Ouais, je suis le meilleur de l’école en foot !“ Le garçon qui me faisait face vit bien la déception envahir mon regard et transformer les traits graciles de mon visage en gribouillage informe de rides mais il ne se départit pas de son sourire convaincu de m’apporter là une excellente nouvelle. Et oui, mon fils est le meilleur joueur de football de son école… Il a battu les CM2 en marquant 3 buts et est devenu ainsi le Zidane de la cour de récréation.
Je découvris ensuite qu’il avait un mot dans le carnet signé par sa maîtresse : “Bastien se relâche actuellement en classe et ses résultats s’en ressentent. Il faut qu’il se reprenne rapidement.“
Je suis violemment passé en quelques secondes d’un sentiment d’immense fierté à une flagrante contrariété ; sans palier de décompression, je suis allé droit à l’embolie. Je croyais avoir enfanté un Steve Job alors que c’est Franck Ribéry qui était en train de gouter dans la cuisine (la cicatrice en moins et le vocabulaire en plus). C’est un peu comme si, après avoir cru tenir un ticket de Loto gagnant, vous vous aperceviez qu’il vous manque un numéro pour toucher le jackpot…
Tant pis pour moi. J’essaye de me consoler en imaginant mon fils heureux sur une pelouse anglaise, riche à millions et marié à une jolie femme, pleine d’attention et intelligente, qui saura bien s’occuper de lui. Avec Zahia par exemple.

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