La chute du héros

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Il m’en est encore arrivé une belle dimanche dernier. J’ai décidé de vous raconter mon aventure et son piteux épilogue afin d’exorciser la honte que j’ai bu à grosses gorgées ce jour là.
Or, donc, je suis allé courir dimanche dernier. C’était ma première tentative de course à pied depuis mes 2 claquages coup sur coup et j’étais ravi de retrouver le bitume ainsi que le bord de mer qui m’avaient tant manqué.
Arrivé sur la Corniche, je ressens une douleur sur le haut de mon mollet. J’enrage et je m’agace de devoir mettre un terme à mon exercice physique préféré mais je préfère ne pas insister pour ne pas aller jusqu’au claquage. J’avise un abribus et décide d’y attendre l’autobus pour rentrer chez moi en claudiquant.
Après un changement “place du 4 septembre“, je vois monter à une station un couple de personnes âgées comme on aime en voir : 93 et 94 ans, se tenant par la main, le mari plein de prévenance pour celle avec qui il a partagé sa vie et qui semble la moins en forme des deux. Elle se déplace à l’aide d’une canne et ils viennent prendre place à côté de moi. Je me dis que c’est beau un couple qui vieillit ensemble et je les trouve terriblement romantiques et attentionnés. Mais cette belle harmonie va se troubler lorsque j’entends le papi s’interroger à haute voix… “Tiens, mais où j’ai mis mes clefs ?“ L’inquiétude est contagieuse et son épouse s’émeut à son tour. Elle lui demande de bien fouiller dans ses poches, ce que le vieux monsieur fait de manière empruntée et malhabile. La panique s’installe désormais au sein du couple. “Mais comment va-t-on faire si tu as perdu les clefs ? Tu les as oubliés où ?“ poursuit la grand-mère de plus en plus inquiète. C’est là que je décide d’intervenir. Touché par leur malheur, je me penche vers eux et leur propose mon aide.
Nous descendons ensemble au prochain arrêt et je demande l’autorisation de procéder à une fouille au corps du pépé qui se laisse faire sans moufter. Rien, pas de clefs. Je leur propose alors de retourner en courant à leur domicile pour voir si les clefs ne seraient pas restées sur la serrure ou tombées dans les escaliers. Je les installe sous un rayon de soleil et je pars en courant en sens inverse. Mon mollet me tiraille un peu mais il tient. Je prie le bon Dieu d’accorder la santé à un de ses fidèles sujets qui a décidé de venir en aide à un couple de retraités en ce jour du Seigneur, respectant en cela les commandements de la sainte Bible. “Pourvu que je ne “claque“ pas !“ me dis-je alors que mon mollet me fait de plus en plus mal. Mais je pense à mon petit couple resté seul sur ce boulevard désert d’un dimanche matin, alors je presse le pas, persuadé que Jésus et tous les anges du Ciel veillent sur moi. Tu parles ! Ils devaient être devant Téléfoot ! Dieu non plus n’a pas daigné entendre mes prières et le résultat est là : claquage. Violent, brutal, aiguë. Je ne peux plus courir maintenant et je finis le parcours en boitant jusqu’à l’adresse qu’ils m’ont donnée. Je réussis à me faire ouvrir la porte d’entrée et je fouille les escaliers jusqu’à leur porte d’entrée. Rien. Pas de trace de sésame métallique. Je refais le chemin qu’ils ont du emprunter jusqu’à l’arrêt de bus mais là encore, mes recherches sont vaines. Un bus arrive et je monte dedans pour les rejoindre ; navré de revenir bredouille de ma quête.
Je leur explique que je n’ai rien trouvé mais je décide de ne pas les laisser ainsi à la rue. Je connais trop la situation des personnes âgées et des maigres retraites qu’ils perçoivent pour les laisser se faire arnaquer par un serrurier marseillais qui les délestera de leurs économies sans vergogne. Un dimanche en plus, les tarifs sont stratosphériques…
Je les raccompagne chez eux et me propose de passer par le balcon de la voisine pour pénétrer chez eux. En effet, leur fenêtre donnant sur le salon est restée, par chance, entrouverte.
Arrivé sur cet étroit balcon, je me rends compte de l’imbécilité de mon offre : je souffre du vertige et ma dernière crise de panique a eu lieu récemment dans la grande roue sur le Vieux Port. Là, à 3 étages au dessus du sol, je me trouve tétanisé, incapable d’avancer. Pourtant les deux balcons ne sont séparés que de quelques centimètres et il n’y aurait pas de danger à enjamber le parapet. Mais la vue du trottoir en bas me bloque littéralement. Je sens mon petit couple de vieux et la voisine derrière moi. “Vous allez y arriver ? Vous êtes certain que ce n’est pas dangereux ?“ J’ai envie de me retourner et de leur dire de fermer leur gueule, que je mène une bataille intérieure épique contre moi-même depuis de longues minutes et que je suis sur le point de capituler.
Je ne suis pas capable de franchir le balcon et c’est la mort dans l’âme que je leur annonce cette triste réalité. Je me sens en dessous de tout, minable, lâche, pathétique… Et puis, à cet instant précis de mon renoncement, le fils de la voisine arrive comme par miracle de l’extérieur. Une vingtaine d’années, athlétique, il s’enquiert de la situation et se propose de franchir les balcons. 30 secondes après avoir annoncé son intention, il est de l’autre côté, faisant tourner les serrures et ouvrant en grand la porte de mon couple de retraités. Nous le congratulons et l’embrassons (j’ai néanmoins envie de lui flanquer mon poing dans la gueule pour n’avoir même pas fait semblant d’avoir un peu peur) et je décide de disparaitre au milieu de ces effusions.
Je repars la tête basse, la honte au front, en direction de l’arrêt de bus. 20′ d’attente… Normal pour un dimanche. Après avoir patienté sous l’habitacle de verre, j’aperçois le bus au loin qui arrive. Dans quelques minutes, je plongerai dans un bain chaud et j’avalerai un Coca Zéro bien frais afin d’oublier cette cuisante défaite. Je crois que le plus dur a été de ne pas être le héros de l’histoire. C’est idiot, je sais… J’ai passé 1h30 avec mes petits vieux, à tout essayer pour les rassurer et leur apporter une solution et un soutien salvateur. Je me suis claqué en profondeur sans qu’ils n’en sachent rien et au final… En 30 secondes, un autre est venu ramasser les lauriers de la victoire. Plus courageux ou plus inconscient du danger, il a franchi sans hésiter l’espace à 20 mètres du sol.
L’histoire n’est pas finie. Alors que j’allais monter dans le bus, j’aperçus un papier coincé sur le panneau des horaires : “J’ai trouvé des clefs, elles sont au bar en face“. Adieu le bus… J’ai ramené les clefs à leur propriétaire tout à leur bonheur et je suis rentré à pieds chez moi…
Je dois soigner ce mollet désormais. Ainsi que mon orgueil. Les deux ont pris un sacré coup.

31 Responses
  1. Noname

    Ben moi je dis, tout ce que vous avez fait pour eux avec votre mollet en vrac, ça merite une medaille.

  2. Lolobuz

    ils faisaient partie d’une epoque ou on essayait de recoller les morceaux quand qq chose se cassait . aujourd’hui on consomme les gens et on les jette a la poubelle .

  3. Lolobuz

    bon et vous qd est ce que vous jetez poupi ds la corbeille? vous la publiez tjs c est un truc de dingue

    1. Je ne publie pas tout Lolobuz. Par exemple, quand elle écrit à propos de son enfant qu’elle aurait du avorter, ou bien qu’elle souffre d’un herpès génital, je ne le mets pas.

  4. Lolobuz

    je veux pas dire chef , mais faudrait un peu vous renouveler ….. on bouffe trop du anti-heros celibataire la …..

  5. Caro

    tu as pourtant reussi:
    ramener les clefs perdues, leur évitant d’avoir recours à un serrurier arnaqueur de pt’i vieux
    Ton claquage t as permis, d’être à nouveau à l’arret de bus, voir le mot, et accomplir ta mission.
    Les Heros dans l’ombre , et non la Lumière sont parfois les plus bénéfiques et talentueux
    Peu importe la tournure du chemin, quand le but est atteint
    CONGRATULATIONS

  6. tant pis pour le mollet et dites vous que vous avez apporté un soutien moral irremplaçable à ces deux vieillards ! ils vont parler de vous à toutes leurs connaissances et ça réchauffera pour longtemps leur coeur !
    quand à l’exploit du jeune coq ce n’est rien !
    je vous embrasse !

  7. françoise

    Décidément, votre maîtrise de la lanque française n’a d’égale que celle de vos ventricules. Vous êtes un peu un héros bienveillant des temps moisis, pardon modernes. Je kiffe.

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