Faire part de naissance

J’ai reçu hier mon nouvel ordinateur et je ne saurais vous décrire la joie qui m’étreignit lorsque j’entendis la voix agacée du livreur de la société TNT grésiller dans l’interphone. Il ne m’a pas dit “bonjour, vous pouvez m’ouvrir ? J’ai un colis pour vous !“ Non, cela, c’était avant, quand les livreurs faisaient leur boulot et vous portaient, effectivement, les colis jusque chez vous. Mais ce temps là est révolu et désormais, on a droit à : “Allo ? J’ai un colis, vous pouvez descendre, je peux pas monter !“. Tu ne VEUX pas monter, nuance…
Mais rien n’y personne n’aurait pu venir gâcher ce délicieux moment que j’attendais depuis des jours et des jours, guettant quotidiennement un mail d’Apple m’avertissant de la date d’expédition de ma machine Made in China. J’aimerais oser un parallèle qui fera se dresser les cheveux de toutes les femmes lisant ces lignes : c’était assez comparable à l’attente d’un enfant… Oui, je sais, en disant cela, j’enfreins les règles de la bienséance mais tant pis. Je suis au courant que ces sentiments ne s’avouent pas et s’écrivent encore moins mais pourtant…
Ces 2 semaines sans ordinateur m’ont ramené des années en arrière lorsque j’attendais que mon ex-femme parte à la maternité pour se libérer de mes héritiers. Je ne suis pourtant pas un grand fan de la “grossesse“ qui voit le corps des femmes se transformer en Teletubbies et n’ai jamais (je vais encore faire hurler les Chiennes de Garde mais fuck !) été en extase devant l’écran noir et blanc du gynécologue qui vous montre d’une main gantée des points bien précis en expliquant : “là c’est la tête, là vous avez… un pied… ah non, c’est son dos…“ Savait-il, ce con, les cauchemars que je devais faire la nuit à cause de lui ? A rêver que ma fille naissait avec un dos en forme de pied ? Je m’imaginais chez Bata en train d’expliquer à la vendeuse qu’il me fallait une ballerine taille 53 pour le dos de ma fille… une horreur !
Vous l’aurez compris : les échographies ne m’inspiraient gère et on aurait tout aussi bien pu me dire que c’était une photo satellite d’une base arrière des Talibans au Pakistan ou l’image de l’anticyclone des Açores au-dessus de la baie d’Arcachon, je n’y aurais vu aucune différence.
Vous n’imaginez pas comme c’est dur 2 semaines sans Mac pour un drogué comme moi… Je me réveillais la nuit en pleurant, j’évitais de passer devant le rayon informatique de la Fnac et je m’étais même fabriqué un clavier en papier sur lequel je faisais semblant de rédiger des textes très importants en déplaçant un morceau de Tomme de Savoie qui faisait office de souris. J’ai rapidement cessé cette mascarade car ma main droite empestait le fromage et cela ne facilitait pas ma vie sexuelle.
Quelle joie de déballer ce précieux objet  ! Le délivrer de sa magnifique boite d’emballage immaculée comme l’obstétricien accouche le nouveau né du ventre de sa mère. On le prend dans ses bras les larmes aux yeux, en cherchant un nom pour ce petit nouveau qui vient enrichir votre existence… ce sera Macintosh. C’est joli, ça sonne bien et on se dit qu’il ne se fera pas emmerder à l’école avec ça.
Le médecin coupe le cordon ombilical alors que moi, je branche immédiatement celui de Macintosh sur le réseau électrique afin de gonfler ses petites batteries qui “respirent“ pour la première fois. Il est beau ! Il me sourit lorsque j’appuie sur le commutateur illuminant son bel écran Retina. Nous sommes déjà très complices et je sens que nous allons passer de merveilleux moments ensemble.
Pour ceux qui voudraient nous témoigner leur joie et partager notre bonheur, une liste de naissance a été déposée à l’Apple Store.