Un peu d'électricité et beaucoup de musique

Capture d’écran 2012 07 05 à 16.54.15
Non, vous ne rêvez pas : l’homme avec la tête de con qui fixe l’objectif avec un regard de bovidé, c’est moi. N’allez pas croire que j’ai signé un contrat avec une plate-forme téléphonique : pas du tout. Je viens juste de tourner cette semaine le 4e épisode de nos aventures chez EDF pour le compte de l’agence Artkom. Cyril à la caméra, Laurent à la prise de son, Bruno et Christine à mes côtés pour distribuer un texte ciselé par votre serviteur avec la précision d’un orfèvre de la place Vendôme. François Volfin est, à cet instant précis, en train de réaliser un montage des meilleures prises afin de porter à son acmé notre jeu d’acteur à l’aide d’effets numériques dont lui seul détient le secret.
J’interprète dans ce numéro, un agent d’accueil assez peu enclin à travailler et qui se laisse distraire par un tas d’éléments étrangers à la charge qui est la sienne. Nous avons tourné ce 4e opus dans la ville de Nîmes et le prochain épisode sera réalisé à Aix-en-Provence au mois de Septembre.
Mis à part ce tournage, j’occupe mes journées chez les Petits Frères des Pauvres. J’ai passé le mercredi dans la maison qu’ils possèdent dans les quartiers nords de Marseille et hier j’ai effectué des visites chez 2 mamies impotentes avec ma fille qui m’accompagnait. Je suis ravi qu’elle soit avec moi et qu’elle voit de ses yeux l’immense détresse dans laquelle se trouvent certains de ses concitoyens. Après le Bénin et le Tiers Monde, elle découvre avec ses yeux d’enfants le Quart Monde. Je veux revenir sur le terme “immense détresse“ que je n’ai pas utilisé à bon escient car je le trouve assez sinistre et il contraste mal avec ces mamies aux visages parcheminés, griffonnés de sourires. Elles ont tout fait pour camoufler cette “immense détresse“ derrière des trésors de bonne humeur et il me paraît bien injuste de les résumer à un terme par trop usité par le vulgum pecus.
La dernière personne visitée n’a pas quitté son logement depuis 5 ans en raison de problèmes de santé et nous avons donc été un petit rayon de soleil dans son quotidien où la télévision occupe une place prépondérante. Lisa, ma fille, a beaucoup parlé cuisine avec ces grands-mères délaissées par leurs enfants qui “n’ont plus le temps de venir les voir parce qu’ils ont beaucoup de travail, vous savez…“. On sent derrière ces phrases d’excuses pleines de pudeur, beaucoup de chagrin de se sentir abandonnées et elles étaient ravies d’avoir une petite fille de 12 ans chez elles. Lisa a été pareille à un courant d’air venant rafraîchir ces tanières où les odeurs de pommades, de camphre et d’éther sont venues progressivement remplacer les fumets de pieds paquets et de pot au feu qui jadis flottaient dans ces maisons briquées du sol au plafond. Je sais désormais préparer (virtuellement) une blanquette de veau avec tous les trucs et astuces que seuls les anciens connaissent et qu’elles m’ont généreusement transmis.
Avant hier, dans la bâtisse où viennent passer quelques heures les “assistés“, c’était un festival de pieds bots, de prothèses, de fauteuils roulants, de dentiers, de doigts déformés par l’arthrite, de douce sénilité et de corps tordus par les âges tels des branches de noyer. Au début, je dois dire que j’ai été un peu choqué par tous ces corps outragés par le temps et puis, cette sensation s’est faite évanescente… Très vite, on ne remarque plus les cicatrices, les plaies, les pansements, on ne s’attache plus qu’aux regards d’une profondeur aussi grande que l’âge de ceux à qui ils appartiennent. Ces regards sont encore perçants pour certains et lorsqu’on les entend vous dire doucement un “merci, vous êtes gentil de vous occuper de nous“, je vous assure que l’on oublie tous ses petits soucis et on se sent “utile“.
La devise des Petits Frères des Pauvres est “des fleurs avant le couvert“ et je dois dire que j’ai été scotché de voir la qualité d’accueil des assistés : nappes en tissu sur les tables, bouquets de fleurs sur chacune d’entre elle, verrines avec des crevettes et crabes, assiettes pleines de beaux produits frais, vin rosé, rouge, glaces pour le goûter… tout est impeccable et un chef cuisinier travaille à demeure pour “bien“ recevoir les pensionnaires qui viennent passer la journée à l’ombre des platanes de la propriété. L’après-midi, jeux de société, boules, télé, lecture de Voici et de France Dimanche. Après avoir joué à des jeux de société (ce qui, d’ordinaire, me fait pousser des hurlements primaires), j’ai fait écouter de la musique qui était dans mon iPhone à 2 mamies installées à l’ombre. L’une d’entre elle m’a alors demandé de lui rendre un service : lui écrire les titres des morceaux que je lui faisais écouter (concerto n°23 pour piano de Mozart, Mélodies Hongroises de Franz Liszt et Boléro de Ravel notamment) pour que “je me les achète quand j’aurai des sous. Combien ça coûte un disque Monsieur Jeff ?“.
Je viens de passer une commande sur Amazon et Michèle ne tardera pas à recevoir dans sa maison de retraite de beaux CD tous neufs qu’elle pourra se passer en pensant à cette belle journée à propos de laquelle, m’a-t-elle confié un peu plus tard les yeux mouillés par l’émotion, que “c’est un peu comme le paradis ici comparé à la maison de retraite“. Je veux bien la croire.

1 Response
  1. À l’ouverture de l’hippodrome, hier à 9 h 30, c’était la ruée. Presque comme un jour de soldes dans un centre commercial. Sauf qu’ici, les objets ont eu une vie antérieure. Meubles, vaisselle, tableaux, déco… ils étaient chez votre grand-mère, chez un vieil oncle. « Tout ce que nous mettons en vente, tous les deux ans (en alternance à Marcq et à Nantes) vient uniquement de legs ou de successions, précise Laetitia Genonceau-Massein, directrice régionale des petits frères des Pauvres. Nous avons débarrassé les maisons, avec soin car ces objets, les gens y tenaient… Leur histoire continue donc. Ces objets n’ont pas seulement une valeur marchande. » Elle estime entre deux et quatre mille le nombre d’objets mis en vente : des immenses comtoises à plusieurs centaines d’euros au petit verre à quelques centimes.

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