Je suis un extra-terrestre

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Cette semaine, j’ai ressenti ce qu’a du ressentir E.T. lorsqu’il est venu s’égarer par chez nous dans les années 80. Comme lui, j’ai eu l’impression d’être un extra-terrestre à la différence près que, pour ma part, ce sentiment m’a atteint alors que j’étais au milieu de mes semblables.
Mon expérience au sein de l’association des Petits Frères des Pauvres est riche d’enseignements. Tout comme j’ai découvert avec une naïveté déconcertante, la pauvreté au Bénin en 2009, je découvre en 2012 que la misère est à ma porte. La misère du porte monnaie mais surtout  la misère sociale, la solitude qui habite le quotidien de millions de gens en France, jeunes ou vieux.
Cette semaine, j’ai fait la connaissance de Malika, une retraitée qui vit avec 600 € par mois et qui s’est mise à sangloter devant moi car GDF lui demande de régler 470 € d’arriérés sinon, ils lui couperont le gaz. “Comment voulez-vous que je règle une telle somme ?“ m’a-t-elle interrogé avant de me décrire son quotidien aussi vide que son frigo. Elle ne mange plus de viande depuis longtemps et elle m’a longuement entrepris sur le prix des légumes auxquels je ne comprends pas grand chose. “Vous avez vu le prix du kilo de pommes de terre ?“ m’a-t-elle demandé. Je n’avais aucune idée du prix de celui-ci et Malika s’est empressée de me donner la réponse : “1 € le kilo ! Vous vous rendez compte ?“. Avant de m’écrier “waou ! C’est pas cher !“, les larmes de Malika m’ont fait comprendre que la valeur d’un euro n’était pas la même pour nous 2. Elle m’a parlé de la poignée d’haricots vert qu’elle achète car elle n’a guère les moyens d’en prendre plus ou bien de cette information qu’elle m’a confié avec pudeur : “vous savez, je n’ai pas honte de le dire mais je ne me lave qu’une seule fois par semaine pour économiser l’eau…“. Ce n’est pas elle qui doit avoir honte. Je ne saurais qui blâmer mais la honte n’est certainement pas pour elle.
Je pourrais aussi vous parler d’Alain que je suis allé visiter chez lui, un modeste appartement dont la décoration aurait fait s’arrêter net le palpitant de n’importe quel architecte d’intérieur. Chiens en plastique, statues religieuses en plâtre peint contre lesquels reposent des photos de Johnny Hallyday et Georges Brassens, guirlande de Noël accrochée entre 2 portes avec un petit panneau “bonne année 2005“, photos de chiens et de chats encadrées et collées sur un grand miroir trônant dans la salle à manger du locataire des lieux. “Tu prendras bien un coup de jaja ?“ m’a-t-il asséné avant de remplir un verre pas très propre d’un rosé bordelais infect acheté à Super U en promotion. Alain n’avait pas de gros besoins si ce n’est celui de parler. Ils ont tous envie de parler : de leurs soucis financiers en premier lieu. J’ai passé la semaine à entendre des acronymes tels que HALDE, RSA, CAF, ASSEDIC, RMI et d’autres dont je ne soupçonnais même pas l’existence.
J’étais en train de me demander ce que je foutais là, dans cet intérieur rempli d’objets d’une laideur sans nom, à m’empoisonner la santé au rosé frelaté quand Alain, au détour de la conversation qui était d’une banalité déconcertante (chaleur, équipe de France, sa carrière chez Dassaut etc.), m’a balancé : “j’ai perdu ma femme et mes 3 enfants dans un incendie il y a 20 ans… C’est après que j’ai commencé à avoir mes problèmes… Que veux-tu… C’est la vie qui veut ça…“ Il a laissé mourir sa phrase en la faisant suivre d’un lourd silence durant lequel ses yeux se sont perdus dans le vide à la recherche d’un bonheur ancien réduit en cendres.
J’admirais d’un coup cet homme qui avait décidé de continuer à vivre et qui appelait “problèmes“ sa dépression et ses gros soucis de santé occasionnés par la perte de sa famille. Il s’est remarié 10 ans après le drame et a eu de nouveaux enfants avant de se séparer d’avec sa femme. Je suppose qu’il trainait un boulet trop lourd pour elle.
Mais le côté extra-terrestre que j’évoque dans le titre de cet article est à mettre en relief du regard avec lequel les gens me contemplent : salariés de l’association, assistés, bénévoles, tous se demandent ce que je fais là. Malika m’en a donné un bel exemple quand elle m’a reconnu de la télé. “Je vous ai vu quelque part, vous… Vous êtes au Petit Frère des Pauvres depuis longtemps ? Non ? Une semaine c’est tout ? Mais alors où est-ce que je vous ai vu ? A la télé ? Oui ? C’est vous le type rigolo qui fait des trucs de fou sur France 3 ?!!“Son visage s’est illuminé d’un coup, ses larmes ont séché et les personnes autour de la table se sont tues pour me dévisager avec incrédulité. Malika a poursuivi : “mais là, vous filmez pas, hein ?“ Et tous m’ont ensuite assailli de questions qui peuvent se résumer à une seule : qu’est-ce qu’un type de la télé (qui dans leur esprit est forcément riche et célèbre) vient faire au milieu d’eux ?
Il est vrai que les bénévoles sont généralement des gens plutôt de conditions modestes, eux-mêmes anciens assistés et il n’y a pas beaucoup de jeunes hommes habillés de manière élégante pour venir les aider. Malika, qui est elle-même à la ramasse, donne un coup de mains aux Petits Frères et même à la Croix Rouge quand elle le peut ! On marche sur la tête, non ? Il semblerait que plus on est pauvres, plus on est généreux… et qu’inversement, plus on est riche…
Alors pensez donc… Un mec de la télévision, que l’on peut ranger dans les CSP+, ça détonne, ça intrigue et moi, cela me met parfois mal à l’aise car on dirait que je ne suis pas à ma place.
1 Response
  1. haight harvey

    tu connais mon engagement au rotary club ou aux hospitaliers du rosaire,et je comprends ton sentiment sur les décalages dont tu parles. dans toutes les associations que je frequente je passe mon temps à encourager des actions locales pour venir en aides aux marseillais démunis.
    Le rotary Club International dépenses 250 MILLIONS de dollars pour eradiquer la POLIO dans le Monde,il ne reste que TROIS pays ou il y a encore la POLIO l’Afganistan,et deux autres pays au mains des talibans et des extremistes islamistes.Je refuse que l’argent que je verse aux oeuvres du ROTARY CLUB serve au bien etre des auteurs du 11 septembre !!!!! la misere est dans la rue ici à marseille,je préfere que mes dons aident à soulager la pauvreté dans ma ville.

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