Sephora m'a tuer

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Je ne vous ai jamais narré un épisode honteux (un de plus) qui a émaillé ma triste vie. Je me jette à l’eau en prenant conscience que je vais, une fois de plus, me ridiculiser mais tant pis. Je suis certain que mon histoire a déjà été partagée par nombre d’entre vous ; la différence est que je m’en sers comme thérapie en la rendant publique.

Il m’arrive d’entrer dans des boutiques de parfumerie dans le seul but de me parfumer “à l’oeil“ avant un rendez-vous galant ou pour masquer une odeur corporelle susceptible de faire fuir un interlocuteur professionnel ou pousser à la démission un collaborateur. Je ne suis jamais très à l’aise au moment de céder à cette pratique peu commerciale puisque le but n’est pas d’acquérir un flacon de fragrance au prix inversement proportionnel à sa contenance. Je me sens observé et épié par une demi douzaine de vendeuses payées à la commission qui n’attendent qu’une occasion pour se jeter sur moi comme le guépard sur l’antilope blessée. Elles m’ont repéré dès que j’eus franchi les portes automatiques séparant les rayonnages chargés des précieuses essences de la rue sordide et sale sentant les déchets alimentaires en décomposition.
A ce moment là précis de mon odyssée, je joue l’homme dégagé qui cherche un parfum sans parvenir à le trouver et qui essaye de nouvelles senteurs avec l’air affiché de la personne peu convaincue par les effluves pulvérisées abondamment sur ses vêtements de marque. Au bout de 2/3′ généralement, la plus téméraire des vendeuses se précipite sur moi et m’accroche de la fameuse phrase enseignée en BTS Force de Vente “bonjour Monsieur, est-ce que je peux vous aider ?“. Ce qui signifie en fait  “hey, toi ! Si tu crois que je vais te regarder te parfumer gratos sans mot dire, tu te mets le doigt dans l’œil jusqu’au coude“. Alors, je dégaine l’arme suprême qui me permettra de ressortir la tête haute (et parfumée) de ce temple de la consommation : “oui madame, en effet, vous pouvez m’aider. Je n’arrive pas à trouver dans votre impressionnant rayonnage, le 3e Homme de Caron ? Pourriez-vous me le procurer séance tenante s’il vous plaît que j’en fasse l’acquisition contre monnaie sonnante et trébuchante ?“ ce qui signifie “si tu crois que je vais me faire avoir par le système, tu te mets le coude dans l’œil jusqu’au doigt ! T’as peut-être un BTS Force de Vente mais t’as pas du sortir Major de ta promotion !“. Cette assurance émanant de ma part tient au fait que “Le 3e Homme de Caron“ est introuvable quelle que soit la parfumerie de France ou de Navarre. Habituellement, la vendeuse revient avec la mine navrée et déconfite de celle qui va louper une vente. Elle prononce alors la phrase suivante telle une condamnée à mort “désolée Monsieur, mais nous ne l’avons pas…“. Les plus courageuses ajoutent alors, dans un ultime soubresaut avant de s’éteindre : “mais nous avons Pour un homme de Caron si vous aimez cette maison…“. Alors j’achève généralement mon interlocutrice d’un définitif : “non, merci mademoiselle mais je suis fidèle à ce parfum. Au revoir.“ Cet au revoir est prononcé avec les mêmes intonations dramatiques que Valéry Giscard d’Estaing lorsqu’il quitta l’Elysée.
Les yeux de la vendeuse s’humidifient de rage et elle m’admire sortant de sa boutique drapé dans une fierté de façade, le menton volontaire et le pas décidé. “Je suis fidèle à ce parfum“ raisonne dans la tête de la commerçante (et Dieu sait s’il y a de l’écho) comme une sentence, une règle de vie contre laquelle elle ne peut rien. Si elle savait que je change de parfum au rythme des promotions que je saisis de-ci de-là en tête des gondoles…
La fille de boutique se sait vaincue et n’insiste plus, telle l’armée japonaise capitulant après qu’on lui ait balancé sur la tronche 2 bombes atomiques.
Mais une fois… la machine s’est grippée. La vendeuse a disparu un bref instant dans la réserve à la quête du Graal sous mon regard torve. Je me gaussais du mauvais tour que je jouais une fois de plus à cette prêtresse de l’esthétique. Mais… la jolie vendeuse est revenue avec une boîte du parfum demandé. Mon visage se décomposa. “Voilà !“ me dit-elle d’un air narquois qui pourrait se traduire ainsi : “tu as voulu me niquer ? Ben tiens, passe à la caisse avec ça ducon !“ 74 € ! Cela m’a couté 74 €… J’ai compris alors ce qu’avait du ressentir Yoshijiro Umezu en signant la réédition du Japon en septembre 45…
La prochaine fois, je demanderai le parfum “Amertume“ de Carias ; et si elle le trouve dans ses stocks, je promets de boire un flacon entier du 3e Homme de Caron d’une traite !

1 Response
  1. Chantal

    IMFORMATION!!!! impérative avant un larcin quel qu’il soit!!! MESRINE se renseignait avant de faire ses ‘bétises »!!! alors je te conseille, au vu de l’enorme frustration que tu as du ressentir, de vite ‘te remettre en selle » (un peu comme après avoir été jetté à terre par un cheval) ,de repartir dans les rayons de la parfumerie en question et de te parfumer ‘à l’oeil » !!! par contre,une info CHANEL N°12 pour Homme n’existe pas….FONCE!!!!

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