J’ai retrouvé le feu sacré à Berres-les-Alpes ! Qui l’eut cru ! Et la recette de l’improvisation est bien la bonne pour moi. J’avais encore bien préparé mon tournage mais j’ai préféré suivre mon instinct et aller au gré du vent. Bien m’en a pris.
Après 2 heures et demi de route dans une 207 ou 208 (je ne sais jamais faire la différence et je me demande même s’il y en a) je suis arrivé à Berres-les-Alpes, riante commune de 1800 âmes. J’arrêtais mon véhicule devant le panneau d’entrée du village afin d’attendre l’équipe technique qui venait d’Antibes. J’étais là, le costume impeccable, en train de sécher au soleil azuréen quand j’avisais une maison avec moultes nains de jardin plantés dans des jardinières Riviera en plastique beige. Un véritable attentat à l’esthétisme.
Une vieille étagère en fer forgé finissait de rouiller à l’extérieur de la bâtisse au mur crépi. Posées dessus, comme autant de témoignages du passé (et du mauvais goût), de petites statuettes en plâtre représentaient des canaris et des agneaux dont la peinture s’écaillait. Un vieux seau à charbon semble avoir pour mission de donner un petit côté gentry à ce capharnaüm disgracieux mais il n’attire que la pitié.
Au-dessus de la porte, des lettres avaient été pyrogravées dans une pièce de bois : “Les Gourmandises de Catherine, confitures artisanales“. Il n’en fallait pas plus pour me donner envie de tirer l’élégante poignée actionnant la cloche où un accueillant “bienvenue“ était gravé. Il ne manquait plus que le paillasson “Sam Suffit“ et nous aurions eu une synthèse de ce qu’il ne faut pas faire si l’on veut que sa maison figure un jour dans “Elle Déco“.
Une dame sans âge (mais en slip et débardeur) m’ouvrit la porte et sembla fort gênée de constater que 3 hommes et une femme (la cadreuse, la ravissante Corinne, était avec nous) se trouvaient sur le pas de sa porte. Elle ferma machinalement d’un geste, un gilet qu’elle ne portait pas, afin de cacher son imposante poitrine. “Qu’est-ce que c’est ?“ demanda avec méfiance la créature. Je sus trouver les mots pour lui mieller l’oreille et mon sourire provoqua, une fois de plus, un génocide parmi ses biens compréhensibles réticences.
“Laissez-moi passer quelque chose quand même avant de filmer !“ ordonna la matrone alors que nous attaquions déjà la deuxième K7 (j’ai mis le making of en ligne sur www.sexealacampagne.fr).
Ensuite, nous sommes allés interroger le maire pour une interview décalée comme je les aime. Au détour d’une ruelle, nous sommes tombés sur Jean-Pierre, Marcel et Marie-Rose (voir photo), 3 frères et sœurs propriétaires d’un restaurant à Berres-Les-Alpes. Marie-Rose tient les fourneaux et les 2 frères font le service. Tous les plats sont faits maison : beignets de fleurs de courgette ramassées dans le jardin, piments farcis poussant dans des bacs installés sur la terrasse, rôti de veau, raviolis faits maison… Nous avons goûté de tout et écouté leur histoire avec passion. La caméra tournait mais je choisissais de l’oublier. On discutait devant les fourneaux de leur vie faite de travail, de bons souvenirs, de rencontres avec des artistes comme Sting, Paul Mac Cartney ou Elton John qui avait pour habitude de venir en cuisine embrasser leur maman.
Leur maman… Marie-Rose m’explique qu’elle est morte en cuisine il y a 5 ans, à l’âge de 88 ans. Elle a la voix qui s’étrangle et les larmes montent aux yeux de tout le monde à l’évocation de cette journée : elle s’est écroulée devant son four en plein service d’un mariage de 130 personnes. Ils ont tous continué à travailler en pleurant jusqu’à 18h30… Incroyable, non ?
Je suis content de les avoir rencontrés et c’est en s’embrassant que nous nous sommes séparés. “Vous reviendrez ?“ m’a demandé Marie-Rose. Je lui ai promis que oui.
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