La délicate cuisine de l'amour

Ce n’est pas le tout de trouver une jolie femme qui vous séduise par sa plastique et son intelligence. Ça ne suffit pas ! Je m’adresse ici aux célibataires pas trop désespérés qui cherchent l’âme sœur ou l’âme frère, selon le sexe, et qui comprendront de quoi je parle : de la bouffe. Facette capitale de la vie de couple trop souvent négligée et cause de nombreux divorces. Il n’y a pas que l’adultère qui peut vous amèner devant le juge, il y aussi le frigidaire.

Vous êtes au restaurant avec une femme magnifique que tous les hommes convoitent depuis votre entrée fracassante dans ce petit restaurant du bord de mer où vous saviez que vous alliez être remarqué par tout ce que Marseille compte de notables. Vous êtes bien, vous êtes fier d’être aimé par une femme aussi ravissante et brillante que celle qui prend place de l’autre côté de la nappe et vous lui prenez la main en regardant avec joie les visages de vos voisins de tables se crisper. Les femmes sont jalouses car leurs maris semblent totalement absorbés par la table que vous occupez et qui devient rapidement l’attraction du restaurant, sorte de gigantesque trou noir engloutissant les ambitions et les espoirs de toutes les personnes présentes. Les serveurs viennent 6 fois de suite vous demander si vous souhaitez un apéritif, ne quittant pas des yeux celle qui vous accompagne. Certains même posent encore la question alors que votre dessert est servi.

Tout va pour le mieux dans ce petit paradis jusqu’à ce que vous abordiez la question de la cuisine. Le sujet a surgi au dépourvu, au moment d’étudier le menu. Soudain, vous l’entendez dire : “ah non, pas de bœuf ! Je déteste ça… Je vais prendre du poisson.“ Votre sang n’a fait qu’un tour et vous vous projetez dans une vie à deux avec cette femme qui ressemble comme 2 gouttes d’eau à Sofia Loren. Vous vous seriez damné pour elle il y a 5 minutes mais soudain, votre monde s’écroule. Vous vous imaginez rentrant le soir, vous mettre à table devant du cabillaud en papillote avec ses petits légumes de saison (quelle que soit la saison, c’est toujours des petits pois et carottes. C’est une vraie arnaque ces légumes de saison : c’est quand la saison des frites ?). Vous essayez de lancer plus à fond votre enquête :
– tu n’aimes pas le bœuf ma chérie ?
– ah non ! Je ne comprends pas comment on peut aimer cette viande ! C’est affreux ! Je ne peux pas en cuisiner car sinon j’ai l’impression que la maison empeste pendant des jours. Tu aimes ça toi ??
– (si vous lui avouez que vous êtes un vrai viandard, que vous bouffez de la barbaque  2 fois par jour et que vous êtes régulièrement élu client du mois par  Charral, vous allez la décevoir et elle ne vous regardera plus jamais de la même façon alors vous minimisez) Oui… De temps en temps, un petit steak haché… Pas trop épais… Pourquoi pas… Mais… tu n’en cuisines… jamais ?
– Ah non ! Je déteste le cuisiner et il faudra que tu l’achètes car rien que ça… ça me dégoûte ! Surtout quand on le mange saignant ! C’est affreux ! Mais franchement, on peut très bien s’en passer. Le poisson est bien meilleur pour la santé. C’est comme le soja, ou les graines de sésame, c’est très bon pour la santé et c’est bien meilleur que des chips à l’apéritif.
Votre vision alors se brouille. Vous imaginez un beau gros bœuf  du Limousin dans un champs d’herbes grasses qui vous fait un clin d’oeil. Vous imaginez votre vie à côté de cette superbe créature, ancien mannequin, déesse de l’amour dont le corps obtiendrait un Prix Nobel s’ils en décernaient un à la beauté mais là… il vous faut faire un choix : un steak saignant, seul, le dimanche midi avec un verre de Bourgogne ou bien du cabillaud en papillote à deux avec une eau minérale pétillante.
Vous auriez fait quoi ?
J’ai demandé l’addition et je ne l’ai plus jamais revu.