J'ai acheté des fleurs

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Hier, je me suis rendu chez un fleuriste pour faire l’acquisition d’un assemblage de végétaux colorés et parfumés. Des fleurs, pour faire simple. La vendeuse, qui tenait plus du cactus que de l’orchidée, me voyant casqué, devina assez adroitement que je me véhiculais sur 2 roues et parue assez contrariée par cet état de fait.
“Comment vous allez les transporter ?“ s’enquit la fille de boutique à la crinière flavescente, un air méfiant accroché sur un visage agreste surmonté de deux yeux torves qui s’inquiétaient sincèrement de la façon dont j’allais acheminer ma gerbe fleurie. Je lui répondis que j’allais les mettre dans le top case de mon scooter mais cette réponse attira la réprimande chez celle qui avait décidé de me tourmenter. “Ah non, vous allez les abîmer ! Mettez-les entre vos cuisses“ et la commerçante entreprit de mimer avec force gestes, la manière dont je devais convoyer ses fleurs. J’eus à ce moment là, envie de lui rétorquer que je les transporterai comme bon me semblerait dès lors qu’un transfert d’argent aura été opéré entre nous, mais je suis resté interdit.
Là est une autre de mes faiblesses dans la vie : je suis incapable d’affronter un vendeur et encore moins une vendeuse. Il y a un rapport dominant/dominé qui m’étreint à chaque fois que je pénètre dans une échoppe et que je vois surgir tel un félin carnassier, une vendeuse pour m’interpeler d’une voix charmante et interrogative d’un “je peux vous aider ? ». Elle voit bien à qui elle a affaire lorsqu’elle entend les balbutiements et autres onomatopées sortir de ma bouche. Ma glossolalie est le signal qu’attendait la prédatrice pour fondre sur la proie facile que je représente. Le moloch a instinctivement saisi qu’elle peut réaliser son chiffre mensuel en jouant de mon apathie et de mon infirmité commerciale car je ne SAIS PAS acheter, incapable de dire “non“.
Plus jeune, c’est ma sœur qui m’accompagnait dans les boutiques quand j’avais besoin d’un jean ou d’une paire de baskets et cela n’a jamais cessé : il me faut un personal shopper avec moi quand je concrétise un achat. Je n’entre plus jamais seul dans une boutique, trouvant toujours une amie pour faire rempart à la volubilité des camelots prompts, si la Loi les y autorisait, à vendre leur mère en 6 fois sans frais avec la carte Cofinoga.
Je me rappelle d’un épisode dramatique où, alors que j’occupais la fonction de Directeur Général du Cercle des Nageurs, le Président de cette institution m’avait donné pour mission de porter une enveloppe afin de la remettre en mains propres au directeur de la boutique Façonnable de Marseille. Une fois entré dans le magasin, une vendeuse bondit sur moi tel un poux sur la tête d’un rasta, mais je lui montrais la petite enveloppe serrée entre mes doigts qui agissait comme un bouclier pour repousser ses assauts mercantiles. J’expliquais alors, détendu et serein, au parasite hématophage que je n’étais pas venu pour me vêtir à vil prix mais pour rencontrer son patron. “Vous patientez un instant ? Il n’est pas encore arrivé“. Je patientai donc au milieu de toutes ces étoffes finement tissées et taillées à la mode de l’époque et la vendeuse, voyant mon intérêt pour un beau blazer qui avait su retenir mon attention du haut de son cintre, me demanda si je voulais l’essayer en attendant son responsable… Je suis sorti de la boutique quelque minutes plus tard, délesté de mon enveloppe ainsi que de 2 700 francs de l’époque. La bougresse avait réussi à me vendre une veste qui représentait un généreux pourcentage de mon salaire mensuel.
Mais revenons à notre détaillante en végétaux à qui est consacré ce billet. J’ai senti son regard peser sur mes épaules jusqu’à ce que je regagne mon scooter, malheureusement garé très proche de son point de vente. Craignant de subir la désapprobation de la boutiquière, je fus incapable de mettre mon bouquet dans le coffre de ma pétrolette comme j’avais prévu de le faire initialement mais je l’installai comme elle me l’avait suggéré (ordonné ?) entre mes cuisses, les tiges gorgées d’eau trempant mon pantalon. Elle me sourit, rassurée de me voir obéissant. Je lui souris en retour, contrit et honteux de me voir abdiquer une fois de plus devant la toute puissance marketing qui s’était déchainée contre moi. J’étais terrassé par le monde du négoce (et trempé à l’entre cuisse). La prochaine fois, je passerai par Interflora.

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