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voyage accompagné

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Comme toujours lorsque vous participez à une excursion, vous êtes confronté à un échantillon de spécimens humains que vous n’avez pas choisis et que vous devez subir… ou observer avec l’attention d’un reporter animalier ou bien d’un chercheur en anthropologie du CNRS. C’est dans la peau du scientifique que je choisis de me glisser pour l’analyse de mes contemporains, me permettant ainsi de canaliser ma rage envers eux. Grâce au bonnet du commandant Cousteau que j’enfilai avec élégance sur mon crâne dégarni, je pus prendre le recul nécessaire pour l’observation des petits travers de la faune qui m’entourait. Ces manies et autres traits de caractères m’auraient fait enrager si je n’avais su que j’allais en croquer les caractéristiques les plus acides dans un article que j’espère croustillant et savoureux.
Ainsi, à Jérusalem, il y eut ce couple qui provoqua chez moi des envies d’homicide volontaire. J’aurais pu aisément les supprimer en faisant porter le chapeau (ou la kipa) à un juif israélien fanatique mais je n’ai pas eu envie de relancer une nouvelle intifada alors que des pourparlers de paix s’annonçaient. Jeunes, 35 ans environ chacun, ils ont passé leur temps à se prendre en photo devant des lieux sacrés comme s’il s’agissait d’une quelconque attraction de parc à thèmes. Le cimetière du mont des Oliviers avec toutes ces stèles, pour certaines millénaires, qui regardent la vieille ville ? “Tiens, mets-toi sur la droite, je te prends en photo, ça va être sympa ! Ben souris, merde !
Le mâle (c’est généralement lui qui insistait pour que sa chérie immortalise tous ces “moments Kodak“) semblait être un bobo parisien portant tous les attributs liés à son écosystème : bermuda marine, Dosksiders bi-couleurs aux pieds, Ray-Ban sur le nez et un Ralf Lauren sur le dos. Il prenait la pose aussi naturellement qu’un acteur de “Plus Belle la Vie“ satisfaisant l’admiration d’un fan. Un sourire niais accroché à la mâchoire et le regard de conquérant du touriste qui parcourt le monde en car climatisé avec un Canon autour du cou pour fixer sur pixels la preuve “qu’il y était“. Ce genre de personnage n’est pas là pour visiter, s’émerveiller des travaux de Dame Nature ou apprendre quoique ce soit du guide qui les accompagne, non : ils sont là, tels des Neil Armstrong all inclusive, afin de poser un petit drapeau sur les territoires qu’ils conquièrent à coup de Birkenstock et de crème solaire. Un petit pas pour le touriste, un grand pas pour iPhoto.
Le comble fut atteint dans l’église de la Nativité, ce lieu de culte millénaire. Alors que je me recueillais avec mon fils devant la stèle où le corps du Christ avait été déposé après qu’on l’ait descendu de son intersection de bois, la jeune compagne du Marco Polo 2.0 me demanda doucement de me pousser sur le côté pour qu’elle puisse photographier son connard de compagnon qui avait déjà adopté la pose, main sur la hanche, le sourire aux lèvres, un chewing gum calé entre deux rangées de dents étincelantes et les jambes croisées façon James Bond… Il n’était pas loin de lever le pouce en glissant un clin d’œil complice à l’objectif, comptabilisant intérieurement le nombre de “J’aime“ qu’il récolterait sur sa page Facebook. J’imaginais la légende qui accompagnerait le cliché : “Moi devant la pierre tombale de JC. Y’a rien là ?! Août 2013“
Il y eut aussi celui que nous avons baptisé avec mes enfants “Brutus“. Un type bodybuildé aux stéroïdes qui voyageait en compagnie de son fils de 10 ans. Enfin, “voyageait“… on avait plutôt l’impression qu’il le trainait comme une Samsonite à roulettes. Jamais un geste d’affection ou de tendresse pour lui, ni un mot aux autres passagers de l’excursion ; il semblait imperméable à toutes formes de sentiments humains. La version touristique de Schwarzenegger dans “Terminator“. Je tentais d’imaginer la profession que le moloch devait occuper en France et j’hésitais entre CRS ou videur de boîte de nuit mais j’appris plus tard qu’il enseignait la boxe (je n’étais pas loin). Il passait son temps à se faire prendre en photo par son fils devant de sublimes paysages et monuments. A un moment, n’y tenant plus et poussé par l’immense humanité qui s’est emparée de moi il y a déjà quelques années, je me suis approché de lui (doucement et sans faire de gestes brusques) afin de formuler une offre charitable : “voulez-vous que je prenne une photo de vous et de votre fils pour que vous soyez ensemble sur les clichés ?“ lui susurrais-je d’une voix aussi amicale et mielleuse que ma grande lâcheté était capable d’adopter face à plus fort que moi.
“Terminator“ m’a regardé d’un œil torve et répondu d’une voix sans émotion : “non, ça va.“. J’ai alors baissé les yeux, comme un dresseur d’ours m’a appris à le faire en présence d’un plantigrade. J’ai reculé en ne lui tournant pas le dos mais en conservant la tête baissée jusqu’à ce que je percute le car en stationnement. J’ai grimpé à l’intérieur, penaud mais satisfait de la (très) brève discussion que j’avais eu avec Brutus. Mes enfants étaient admiratifs de mon courage et ils m’ont posé des dizaines de questions comme celles que l’on pose au soldat qui rentre du front. “Comment c’était ? T’as souffert ? T’es pas blessé ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Il a parlé ? Il a été gentil ? Comment elle est sa voix ? T’as eu peur ?“. J’ai enjolivé la scène afin de conserver l’admiration que me voue ma descendance mais je sentais bien dans leurs regards que je n’étais guère convaincant.
Enfin, il y a le pire des touristes : celui qui se sent obligé de faire état de son rang (forcément élevé) dans la société. Celui qui se prend pour quelqu’un d’important, un fat imbu de sa personne qui imagine que l’épaisseur de son porte feuille lui donne l’obligation morale de prendre la tête d’un groupe ou, a minima, de se déclarer son représentant légal.
Ainsi, alors que le brave guide jordanien connaissait un problème d’organisation (dont il n’était pas responsable et qui fut réglé 15 mn plus tard), le merdeux est le seul à s’être levé du siège qu’il occupait dans le car qui nous transportait confortablement, pour le morigéner à haute voix devant tout le monde afin de bien faire sentir à cet “arabe“ que c’était lui le patron et que “c’était inadmissible et qu’on allait entendre parler de lui“. Perdu dans son short bleu ciel, une casquette SFR vissée sur la tête, les chaussettes remontées jusqu’aux mollets, le tee-shirt rentré sous sa ceinture banane, il franchissait les barrières du ridicule avec l’aisance d’un cheval de compétition au galop. Le guide, l’a regardé dans les yeux, un grand sourire franc barrant son visage tanné par le soleil et lui a répondu dans un français parfait : “calmez-vous, la vie est belle“. CQFD.

PhotodeclasseVLPBALIC’est la seule photo dont je dispose mais c’est la plus belle. C’est l’équipe avec laquelle je suis allé à Bali et avec qui j’ai passé 20 heures sur 24 pendant 8 jours. On a essuyé les galères, régler un nombre infini de problèmes, amusé et renseigné 191 personnes de 20 pays différents dans la joie et la bonne humeur. Pas une engueulade, pas un mouvement d’humeur en 8 jours : l’accord parfait.
Ce sont tous des pros du voyage et j’étais le seul “intrus“ de la troupe mais ils m’ont bien accueilli et donné tous leurs petits trucs pour m’intégrer au mieux avec générosité.
Elisabeth, Gilles, Kasia, Victor, Doan et Laurenza ont fait un boulot de malade durant cette semaine. Un boulot terriblement frustrant : vous bossez quand tout le monde s’amuse. Pendant qu’ils font du quad dans les rizières, vous évacuez vers l’hôpital une jeune femme blessée lors d’une chute à qui il faut faire des radios. Pendant qu’ils dansent sur les tables, vous ramenez à sa chambre un anglais au bord du coma éthylique, vous le déshabillez et vous le mettez au lit en le veillant un peu afin de vérifier qu’il respire… bref, ce job n’est pas de tout repos.
J’ai dormi 13 heures de suite cette nuit et je crois que je vais remettre cela ce soir !

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