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Un ami est venu dîner à la maison hier soir pour me parler d’amour. De son (nouvel) amour. Les gens amoureux me font sourire (et un peu envie admettons-le) car ils ont un sourire béat sur leur visage en toute circonstance. Vous pouvez leur annoncer toutes les mauvaises nouvelles du monde, ils vous répondent sereinement : “ce n’est pas grave“, “demain est un autre jour“ et autres billevesées d’une vacuité sans fond.
Les amoureux semblent planer, flotter en l’air comme un ballon d’hélium lâché par la main d’un enfant sur le parking de Disneyland Paris alors que le père court en râlant après la mince ficelle de raphia pour tenter de rattraper le morceau de latex qui lui a couté 14,50 €. Mon pote est irrattrapable. Je l’ai compris alors que je l’écoutais parler “d’elle“ devant l’assiette qui refroidissait sans qu’il ne touche au délicieux magret de canard que je lui avais cuisiné. J’ai couru un peu pour tenter de le faire descendre mais j’ai vite cessé mes gesticulations car je m’épuisais pour rien. Sa radio ne fonctionnait visiblement plus depuis qu’il avait franchi la stratosphère.
Elle est blonde, possède deux bras, deux jambes, un joli sourire mais alors que je ne voyais qu’une banale femme, mon ami me décrivait une princesse, une sirène sortie des flots pour le charmer de son chant envoutant (et mortel).
J’ai tout essayé, enchainé mille arguments censés, je l’ai supplié d’ouvrir les yeux, de contempler la réalité ; j’ai tenté de lui faire comprendre que les choses allaient sans doute un peu vite (il vient de la rencontrer !) et qu’il fallait raison garder mais non… L’amour est le plus puissant des stupéfiants que je connaisse. Le hashish, la cocaïne et l’ecstasy peuvent aller se rhabiller : face à l’amour, ils sont aussi efficaces que des pastilles Valda.
Le pire est que l’homme dont je vous parle est un costaud, un type qui a pas mal baroudé et qui a eu son lot de femmes, vous voyez le genre ? Quelqu’un qui “sait“, un expert qui connait la fragilité des relations inter-sexuelles, qui a expérimenté la précarité des sentiments et qui a éprouvé les affres du chagrin d’amour. Je l’ai ramassé à la petite cuillère il y a quelques années de cela et ce n’était pas beau à voir. Je le pensais guéri pour toujours, que suite à ce drame, il se contenterait d’émotions faciles et de relations tranquilles. Voler, oui, mais à basse altitude. Rester modeste et observer la Terre à la hauteur d’un drone et non d’un satellite géostationnaire.
Mais il est trop tard. J’ai compris qu’il était foutu. Le pire reste que cette relation lui fait perdre complètement les pédales et qu’il dévale la pente en klaxonnant sans se rendre compte des risques de chutes. A la vitesse où il fonce, s’il y a du gravier sur l’asphalte, ce n’est pas de la ré-éducation qu’il lui faudra mais une oraison funèbre.
Mon ami (appelons-le Gilles pour lui donner une humanité) est pourtant quelqu’un de réservé et raisonnable, se livrant peu et maitrisant ses émotions. Bref, un type au sang froid frôlant le zéro absolu.
C’est pour cela que lorsqu’il a évoqué sa relation avec sa “bien-aimée“, je me suis fissuré de l’intérieur. Figurez-vous qu’il lui a déjà envoyé des “je t’aime“ et qu’il se délecte d’exposer à l’objet de son cœur, toutes ses failles, ses doutes et autres questionnements au sujet de l’avenir qu’il se voit bâtir avec elle ! Alors là, je n’ai pu me retenir et j’ai bondi de ma chaise (j’avais fini mon magret) : “mais Christian, tu déconnes complètement ! On ne balance pas un “je t’aime“ à une femme avant au moins deux ou trois mois ! C’est écrit partout et nul n’est censé ignorer la Loi ! Tout le monde te le dira ! Et puis qu’est-ce que tu vas lui parler de tes doutes ! Une femme a besoin d’être rassurée, de sentir qu’elle a un homme solide devant elle et pas un type souffreteux et vulnérable que le moindre courant d’air va aplatir ! Christian, tu dois penser comme Bruce Willis et tu lui fais du Jacques Villeret ! C’est quoi la prochaine étape ? Tu vas l’appeler “maman“ et lui offrir une bague achetée en 3 fois sans frais au Manège à Bijoux d’une galerie marchande ? Ressaisis-toi ! Je ne te reconnais plus !“
J’avoue avoir été un peu dur avec lui mais il fallait que je le secoue, que je le sorte de la léthargie hypnotique dans laquelle il baigne depuis le début de cette relation. Cela n’a pas fonctionné. Il m’a regardé en souriant (toujours ce putain de sourire) et m’a lâché “tu ne peux pas comprendre“.
Je l’ai laissé repartir vers son avenir avec son bonheur en bandoulière et ses fleurs dans les cheveux. Alors qu’il descendait les escaliers, je l’ai entendu qui sifflotait l’air de “l’ami Ricoré“. De quoi être inquiet. Inquiet et un peu convoiteux aussi.
J’espère qu’il ne lui arrivera rien et qu’il ne se trompe pas d’altitude. Voler est envoûtant et tous les pilotes sont des victimes consentantes.

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Hier soir, je fus invité par une charmante jeune femme que j’ai la chance de compter parmi mes amis dans un restaurant asiatique où j’aime à me rassasier de canidé laqué et autres spécialités venant de ces lointains pays situés à l’est de l’Oural. Etant bipolaire, il m’arrive d’être aussi sauvage que socialement délicieux mais je pénétrai hier soir dans ce lieu sentant bon le nuoc mam et la graisse animale avec la solide volonté de me montrer sympathique aux yeux de mes contemporains et de l’amie à qui j’avais un tas de choses à conter. Le chef, et néanmoins patron, du restaurant nous sourit de toutes ses dents noires avant de laisser une employée fatiguée nous placer à une des cinquante tables de libre de son échoppe.
C’est à ce moment que j’ai commis une erreur fatale. Je lui ai demandé comment s’était passé son voyage en Chine. L’erreur du débutant, la connerie du bizuth, le truc à ne jamais faire si on veut manger tranquillement ses nouilles sauce saté. Il me répondit dans une logorrhée verbale proche de l’espéranto, que “voyage très bon, apprendre nouvelles recettes, mois prochain sur carte, Shanghaï, très super“. Je hochais poliment la tête entre deux éructations du petite homme jaune qui tentait désespérément de se faire comprendre. Mes dodelinements occipitaux lui donnèrent à croire que la ligne n’était pas coupée et que mes oreilles recevaient toujours le signal qu’il émettait par intermittence.
Nous franchîmes une étape supplémentaire quand le mandarin, non content de nous offrir le son, nous proposa l’image. Nous prenant au dépourvu, il dégaina prestement de son kimono (il doit être ceinture noire de quelque chose) un téléphone mobile d’une taille conséquente afin de livrer à nos yeux mi-clos les explications que son incontinence orale avait échoué à nous donner. S’ensuivit un long diaporama commenté en franco-chinois-berbère où, à l’aide de son doigt imberbe, il fit dérouler une impressionnante collection de photos de plats culinaires, ainsi que de passionnants clichés le montrant debout devant des bâtiments officiels.
Une nouvelle erreur fut commise par ma convive : elle lui posa une question rhétorique qui ne fut pas prise comme telle par le maître de conférence formosan. Je la fusillais du regard mais il était trop tard : le Kim Jong Un des cuisines s’enthousiasmait à lui répondre.
C’est la serveuse qui nous a sauvés de ce piège sournois dans lequel nous étions tombés à tongs jointes. Immobile à côté de la table, son carnet de commandes à la main, elle fit comprendre adroitement à son patron qu’elle aimerait bien se coucher avant une heure du matin et qu’accessoirement nous n’avions rien à battre des photos de plats en sauce qu’il étalait devant nos globes oculaires.
Le dîner qui me fut offert fut délicieux et ceci rattrapa cela. Lorsque, à la fin de nos agapes, nous revîmes le Yann Arthus Bertrand de la photo de cuisine revenir vers nous au pas de course afin de nous proposer un alcool de riz frelaté, une envie irrépressible de demander l’addition me prit. J’avais bien trop peur qu’il aille chercher son ordinateur portable made in China pour nous achever à coups de diapositives et c’est à la vitesse d’Usain Bolt que j’ai quitté l’établissement de l’asiate sans même me retourner.
Ses derniers mots à mon attention furent : “prochaine fois, montrer vous photos encore !“.
Quelqu’un connait un restaurant indien ?

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