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séparation

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Ma fille est rentrée l’autre jour de l’école en m’annonçant qu’elle avait une rédaction à écrire en français et qu’elle souhaitait mon aide. La jolie blonde de mon cœur est suffisamment éclairée pour avoir intégré qu’il ne fallait rien me demander en physique ou en chimie mais qu’en français, je ne me défendais pas trop mal. En effet, j’éprouve depuis toujours de grandes difficultés avec les molécules et les atomes alors que la grammaire et le vocabulaire me sourient cordialement en chœur. Je reste d’ailleurs persuadé que le directeur de la centrale de Fukushima a loupé une grande carrière littéraire.
Le devoir de ma princesse est à rendre après les vacances et nous avons donc travaillé dans le train qui nous ramenait de Paris où nous avons visité le Parc Astérix et le musée Beaubourg qui consacrait une exposition à Roy Lichtenstein (les grands écarts culturels ne me font pas peur !).
Lorsque je lui demandais quel était le sujet de la rédaction qu’elle devait produire, celle-ci me répondit : “je dois raconter un souvenir heureux ou malheureux de mon enfance.“ “Et qu’as-tu donc choisi de raconter, ma chérie d’amour ?“ la relançais-je alors que les téléphones crépitaient dans le wagon bondé de ce TGV où les appels téléphoniques sont censés (dans un monde idéal) être passés de la plateforme. “J’ai choisi de raconter ta séparation“ m’a-t-elle alors annoncé d’une voix pusillanime. “Ah…“ est tout ce que je réussis à lui répondre sur le moment puis, retrouvant un souffle d’asthmatique en plein test d’effort, je l’ai sondé quant à l’idée de raconter un souvenir heureux, telle la naissance de son petit frère ou le dernier titre de champion de l’OM. Non, elle ne voulait rien entendre et sa décision était prise de longue date. La bougresse souhaitait raconter cet épisode douloureux bien que banal, qui touche 1 couple sur 3 dans les sociétés occidentales. Comme quoi la banalité d’une expérience ne la vide pas de sa substance.
Elle n’est pas arrivée les mains vides et elle m’a alors fait lire un texte qu’elle avait rédigé il y a quelques mois. Tout y était et si jamais sa prof de français est dépressive et équipée d’une gazinière, il y a de fortes probabilités pour que le corps enseignant perde un de ses membres lundi prochain et que le directeur ne soit obligé d’intervenir en classe pour aborder la question du suicide.
C’est fou ce que ma fille a éprouvé lors du départ de ma compagne. Je ne le découvre pas aujourd’hui et je savais que cela n’avait pas été facile pour mes enfants, surtout pour mon aînée qui était très complice, mais je feignais de croire que les choses étaient “rentrées dans l’ordre“ et que cette histoire avait été digérée par eux à défaut d’être totalement effacée.
J’ai du constater dans ce train qui me ramenait à 300 kilomètres/heure vers Marseille qu’il n’en était rien et que cela l’avait “construite“ différemment. Un peu à la manière des nouvelles normes anti-sismiques qui sont en vigueur dans certaines zones géographiques du monde, elle s’est équipée elle aussi de nouvelles normes anti-douleurs. Plus résistante aux chocs, elle y a perdu en contre partie, un peu de son innocence d’enfant. C’est l’événement le plus triste qu’elle ait connu de ses quatorze premières années sur Terre et je me sens diablement responsable de ce triste bilan.
C’était très bien écrit et très touchant et je n’ai pas eu envie de trop altérer ce qu’elle confiait à, feu son professeur de français. J’ai juste corrigé quelques fautes d’orthographe et je l’ai félicitée pour la qualité de son récit mais il y a une phrase de conclusion qui m’a chagriné et qui m’a fait réagir. Elle devait conclure son récit en exposant ce que cet épisode avait changé chez elle et elle a confessé que plus jamais elle ne ferait “confiance à un adulte“ car elle s’était sentie trahie.
J’ai enregistré son document, j’ai refermé le laptop siglé d’une pomme et j’ai entrepris de la convaincre qu’il ne fallait pas réagir ainsi. Que c’était la vie, que personne ne l’avait “trahi“ et qu’elle pouvait continuer à me faire confiance car j’apprends de mes erreurs. Je lui ai expliqué que tout l’amour qui lui avait été donné par mon ex-compagne n’était pas du toc et qu’au contraire, elle devait prendre ça comme un beau cadeau qui lui avait été offert. Que la vie sépare parfois les couples mais que cela ne devait pas remettre en cause ses croyances et ses espoirs ; que l’amour existe et qu’il faut juste en prendre soin quand on le trouve. Qu’elle devait aussi transformer les épreuves et les échecs en leçons de vie et en succès. François Mitterrand (qui en connaissait un rayon question “échec“) disait quelque chose de très fort dans son livre “Ma part de vérité“ : “La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec.“
Je ne sais pas si mes arguments ont porté mais je ne cesserai de les lui marteler car je suis convaincu d’avoir raison et qu’il n’y a rien de pire qu’un enfant sans espoir.

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