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récit de voyage

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Hier nous sommes partis à Togbota, à 2 heures et demi de “route“ de Cotonou, afin d’y distribuer les vêtements et jouets que mes amies Ségolène et Catherine m’avaient confiés. Idem pour la mère de mes enfants qui avaient vidé pour l’occasion ses armoires pour remplir nos valises.
Je pensais que, vu la quantité de bagages à emmener et le nombre de passagers que nous étions, nous prendrions un taxi brousse mais non… nous y sommes allés en moto. Et j’en ai conduit une ! Oui, je me suis laissé convaincre que je saurai conduire sur les pistes ocres africaines et j’ai donc accepté le challenge. Je ne sais pas combien de fois nous avons évité la mort ma fille et moi, juchés sur une moto de fabrication chinoise sans frein arrière et dont toutes les vitesses se passaient en poussant sur le sélecteur de vitesses (les motards comprendront que c’est l’inverse de toutes les motos circulant dans le monde). J’ai mis un peu de temps à comprendre pourquoi le moteur faisait tant de bruit quand je passais les vitesses alors que je rétrogradais…
Après avoir évité des piétons chargés de bois/fruits/piments, des porcs en liberté cherchant quelque nourriture à se glisser sous le groin, des chèvres traversant la piste devant vos roues, des enfants chantant sur le bord de la route en vous saluant joyeusement de la main, nous avons rejoint le village de Togbota. Il nous aura fallu deux (longues) heures de moto surchargées de bagages qui nous faisaient perdre l’équilibre à chaque coup de guidon destiné à éviter les obstacles sus-nommés mais nous sommes arrivés entiers.
Nous avons d’abord visité “ma“ ferme, entretenue par Léonel qui a récemment planté du riz. J’espère que cette nouvelle culture donnera de bonnes récoltes au mois de janvier prochain. Ensuite, nous avons traversé le fleuve Togbo pour nous rendre à l’école et y distribuer les fameux vêtements.
Il n’y en a pas eu assez. Il n’y en a JAMAIS assez et c’est assez désespérant de les voir rentrer un par un dans la case pour essayer qui une jupe, qui un tee-shirt, qui une paire de chaussures et ne pas voir la longue file d’attente diminuer alors que le tas de vêtements, lui, fond comme neige au Bénin.
Ma grande joie de père fut d’observer mes enfants très actifs durant cette distribution : ils avaient classé les vêtements par sexe : femmes, hommes et un tas pour les enfants. Ils en avaient fait un autre avec les quelques jouets et accessoires que nous avions amenés avec nous : boite à musique, balles, chouchou, bracelets de perles en plastique, poupée…
Ils tentaient d’endiguer tant bien que mal le flot des enfants, repérer au dehors ceux dont la taille serait susceptible de coïncider avec une petite jupe rose à poids ou un jean “Orchestra“. Je leur avais appris à regarder leurs pieds nus afin de jauger leur pointure et faire le lien avec les chaussures en stock. Petite anecdote truculente : un adolescent voulait absolument rentrer dans des chaussures de femme, ce qui nous a tous donné l’occasion de rire au milieu de notre étouffante braderie. Nous lui avons expliqué que c’était des chaussures de femmes et que ses grands pieds taille 43 ne rentreraient pas dans des sandales taille 38 mais il ne voulait rien entendre et tentait de nous prouver qu’il pouvait y arriver. La question du sexe auquel étaient destinées ces chaussures n’avaient aucune importance pour lui (et je crois qu’il avait raison).
J’ai aimé voir mes enfants tenter de satisfaire le plus grand nombre et je crois avoir décelé dans leur regard d’enfant et d’adolescente de la joie sincère ainsi qu’un brin de fierté. Ce n’est pas donné à tout le monde d’habiller une soixantaine d’enfants 🙂
Les chaussures que mon fils ne voulaient plus mettre (car la mode dans la cour de son école privée change aussi vite que les couleurs d’un caméléon posé sur du tissu écossais), faisait briller les yeux d’un petit garçon qui les serrait contre lui comme si c’était le plus précieux des présents. J’ai vu une petite fille à qui la mienne offrait une petite robe avec de la dentelle, exploser pudiquement de joie intérieure.
La distribution de 3 baguettes de pain que nous avions amenées pour déjeuner a dégénéré en pugilat et mon fils était effaré de voir autant de mains se dresser vers nous pour saisir un simple bout de pain que d’ordinaire nous jetons à la poubelle quand il reste sur la table.
Mes enfants auront peut-être compris certaines choses essentielles durant ce voyage. Cela ne les empêchera pas de me demander pour leur anniversaire un manteau Kooples ou Sandro, un iPhone ou un nouvel ordinateur (Apple, forcément) mais après tout, je ne leur demande pas de changer de goûts vestimentaires ou de se détourner d’objets technologiques qui emplissent notre quotidien. Je suis, moi parent, également responsable de cette orientation. J’espère juste qu’ils auront vu que nos déchets, nos rebuts sont des trésors pour d’autres que nous. Peut-être auront-ils mieux compris le sens du mot “générosité“ ?
Avant de partir, on m’a tendu une enveloppe libellée à mon nom approximatif : “Monsieur le Président Accarias“. L’écriture maladroite et hésitante donnait une indication quant à l’âge de son auteur. Les formules de politesse se superposaient les unes aux autres, me donnant du “Monsieur le Président“ à chaque ligne, du “soyez béni par Dieu“ pour marquer la fin d’un paragraphe etc. afin de me demander de financer ses frais de scolarité (25 € par an pour aller en classe de 4e). Il m’expliquait dans sa lettre que l’an dernier il n’avait pu aller à l’école à cause du manque d’argent. 25 €… Deux places de ciné en 3D avec les lunettes. Si quelqu’un veut aider Fataï (c’est son nom) à retourner à l’école au mois d’octobre, vous connaissez le tarif. Sinon, c’est moi qui le prendrai en charge. J’en aide déjà un depuis le CM1 : il vient d’obtenir le Bac et je vais lui financer ses études de médecine à la rentrée (c’est toujours bon d’avoir un médecin dans ses connaissances).
Voilà le bilan de ce petit voyage plus humain que réellement humanitaire. J’ai essayé d’inoculer quelque chose à mes enfants et maintenant, à eux d’incuber. Ils feront ce qu’ils veulent de toutes ces richesses aperçues durant 2 semaines.
Une amie répète souvent à sa fille quelque chose de très beau que j’ai glissé à mon tour dans l’oreille de mon fils alors que nous étions sur la pirogue qui nous éloignait de la berge où nous saluaient des dizaines d’enfants : remplis-toi les yeux et n’oublie jamais.

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Jeudi, je suis parti avec mes enfants, mon amie béninoise Catherine et mon nouvel ami/chauffeur/guide/responsable de l’association humanitaire Tata Somba, Jean-Rolland dans le nord du Bénin : 9 heures de route dans un Toyota Rav4 toutes options (mais plus aucune ne fonctionnait) sur des routes défoncées par la pluie et les camions ralliant le Burkina Fasso avec des remorques chargées à bloc de produits divers : céréales, manioc, maïs, ananas, riz, pétrole, hommes et femmes entassés comme du bétail…
Je n’ai pas compté le nombre de ces camions à l’état d’épaves en panne sur le bas côté ou carrément sur la chaussée dans l’attente d’une pièce mécanique, d’un pneu ou le plus souvent d’un miracle… J’en ai vu d’autres, moins chanceux, gisant dans le fossé ou bien encore sur la piste, le tracteur défoncé par un choc aussi destructeur que mortel car personne n’attache sa ceinture de sécurité ici (quand elles fonctionnent. On a ainsi effectué plus de 1000 kilomètres sans).
J’ai même vu aujourd’hui un bus dans un ravin et j’ai alors songé au destin de la centaine de passagers qui devaient y voyager bruyamment avant de plonger en criant dans le vide… puis le silence. Crevaison, problème mécanique, erreur humaine, obstacle ? On ne le saura jamais car il n’y aura certainement pas d’enquête. On préférera attribuer l’accident aux mauvais esprits. Il est plus facile de faire son deuil si on sait que le Malin était de la partie et que rien ne pouvait sauver les pauvres diables se rendant au marché de Natitingou pour vendre quelques bêtes ou bien rendre visite à leur famille. Il y a 5 ans, j’avais pris un de ces bus.
Nous étions tellement brinquebalés dans la Toyota qu’on se serait cru dans une Jeep lunaire en train de naviguer sur la Mère de la Tranquillité (la gravité en plus et c’est un détail qui compte). Nous sommes arrivés perclus de courbatures sur 3 roues (à cause d’un pneu “gâté“ comme ils disent) et l’embrayage en petite forme à tel point que l’on a été obligé de grimper une côte en marche arrière sous les regards curieux des piétons qui passaient par là, portant sur leurs crânes des plateaux chargés de linge ou de fruits.
J’ai découvert des choses que je n’avais jamais vues auparavant, rencontré des êtres humains d’une chaleur rare et assisté à des scènes surréalistes. Ainsi, au détour d’un virage, j’avise un groupe d’hommes courant sur la route. N’ayant pas aperçu beaucoup de joggeurs dans le pays, je m’étonnais auprès de notre chauffeur (Olivier, un guide épatant qui nous emmenait au parc de la Pandjari) de cette curieuse pratique sportive en plein pays de l’Acatora. Il m’expliqua alors que le groupe d’hommes étaient en train de porter un macabé au cimetière pour l’enterrer.
Effectivement, arrivé à leur hauteur, j’ai bien vu un “cercueil“ de fortune porté par une forêt de bras d’ébène. C’est ainsi que les enterrements se font au pays Somba : on porte en courant le corps du défunt jusqu’au cimetière où il sera vite mis en terre afin que l’âme ne tarde pas trop à monter au ciel et avant que le mauvais esprit (encore lui) ne s’empare du pauvre bougre. Les hommes se relaient ainsi sur des parcours pouvant atteindre jusqu’à 25 kilomètres…
Il arrive même que le mort leur adresse des signes durant son dernier voyage alors les semi-marathoniens rebroussent chemin et attendent que l’oracle (le Fâ) ait fini d’analyser et interpréter les signes envoyés par le défunt. En cas de crime, c’est le mort qui désigne lui même le coupable : si l’un des hommes portant le cercueil arrête de courir, il signe son arrêt de mort…
Vous voyez un peu le genre de trucs auquel j’assiste ? C’est proprement hallucinant et je ne vous parle pas des plats que l’on me propose de gouter : chien, varan, iguane etc. mais je m’en tiens à mon régime à base de Vache Qui Rit et de coquillettes. Et j’ai mille histoires comme celle-ci à raconter mais je ne vais pas vous emmerder avec ça : y’a les JO à la TV 🙂
En rentrant, je rêve d’aller manger chez Etienne une pizza à la mozzarella suivie d’un pavé de viande avec une bouteille de rosé fraîche… On apprend à faire des rêves accessibles au Bénin.

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