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462189545Ça y est, comme chaque année, les fêtes de Noël arrivent immuablement avec leur cortège de cadeaux à faire, de victuailles à entasser dans le frigo, de magasins dévalisés par des consommateurs affectés d’une fièvre de surconsommation chronique. Moins mortelle qu’Ebola, cette fièvre fait néanmoins des victimes qui font sourire les commerçants et pleurer les portefeuilles. Et le stress… Ce stress, cette angoisse qui monte, qui vous étreint à mesure que les jours défilent, compte à rebours immuable que rien ne peut arrêter et qui nous mène tout droit aux deux déflagrations que sont le 25 et le 31 décembre…
La première bombe explose généralement au pied du sapin avec des enfants surexcités depuis des jours, shootés aux pubs télé badigeonnent l’écran de jouets qui deviendront obsolètes 3 jours après leur découverte, camés aux chocolats de Noël, drogués aux calendriers de l’Avant chargés d’entretenir et de faire monter cette tension en distribuant chaque jour sa petite friandise (les calendriers de l’Avant religieux de mon enfance où, derrière chaque case, on découvrait une simple icône, ont rejoint depuis belle lurette, le magnétoscope VHS, Casimir et le Rubik’s Cube au cimetière des illusions perdues).
Une fois passé ce cap à côté duquel celui d’Horn ressemble à un pédiluve de bassin municipal, il faut vite recharger ses batteries (et vider son estomac) car la soirée du réveillon du jour de l’an arrive à grandes enjambées. Vite refaire des courses, recharger son frigo et trouver le déguisement idoine pour la soirée “Années 80“ à laquelle vous êtes conviée (avec participation aux frais. Cotillons, confettis et un quart de bouteille de Champagne par personne inclus). Et bien sûr, ce jour là, il vous sera interdit de faire la gueule sous prétexte de passer pour un triste sire “qui ne sait pas s’amuser“. Alors on boit. On s’enivre pour oublier que dès le lendemain commencera le long calvaire consistant à souhaiter à de parfaits inconnus “une bonne année et surtout la santé“. On prend des photos qu’on s’empressera de poster sur les réseaux sociaux pour montrer “qu’on s’éclate plus que vous“ et que vous auriez du enfiler un pantalon à pattes d’éléphant, une perruque de Michel Polnareff et chausser des lunettes géantes singeant Elton John.
On fait semblant de croire que l’année qui arrive sera meilleure que la précédente, que les palestiniens et les israéliens vont se mettre autour d’une table pour faire la paix. On se persuade que la fonte des glaciers va arrêter de faire monter le niveau des océans, que les saisons vont retrouver leur singularité et que l’été 2015 sera chaud et que l’hiver qui suivra sera froid. On veut croire que le chômage arrêtera de monter, que les américains cesseront de flinguer leurs enfants et que les “fous de dieu“ mettront fin à cette marotte consistant à se faire sauter dans les stades, car le foot est un sport de mécréants etc.
Bref, comme vous l’aurez compris, ces fêtes de fin d’année me mettent en joie et ravivent mon optimisme forcené. Ceci étant dit, j’adore le 1er janvier car il signifie la fin de cette comédie mercantile dont nous sommes les comédiens non rémunérés. Je me sens alors en haut d’une montagne d’où je contemple avec bienveillance l’année qui vient. Je l’imagine de manière résolument positive en me demandant quelles belles choses elle m’amènera et sur quels chemins elle guidera mes pas. Je n’ai jamais été déçu par les 1er janvier à part celui de l’année 2009 où s’est concentré un cortège de mauvaises nouvelles. Hormis ce jour de l’an, je n’ai jamais été déçu alors vous comprendrez pourquoi j’attends avec impatience ce 1er janvier 2015 !


J’ai vécu beaucoup de Noël (du fait de mon âge avancé). Les plus beaux restent ceux que j’ai vécus en compagnie de mes enfants lorsqu’ils étaient encore trop petits pour découvrir que le Père Noël était un usurpateur, un mensonge barbu destiné à vendre du Coca-Cola et des biens de consommations à une population en perte de repères.
Je me souviens en particulier de certains petits matins extraordinaires où les regards hallucinés de mon fils et ma fille le disputaient à l’avidité avec laquelle ils se jetaient sur leurs cadeaux. Leurs yeux brillaient de mille feux incandescents lorsqu’ils découvraient que durant la nuit, un étrange visiteur était venu déposer leurs cadeaux au pied du sapin. Je me remémore notamment un Noël où nous avions déposé des dizaines et des dizaines de petits paquets sur le paillasson de l’appartement où nous nous trouvions et qu’un complice avait sonné à la porte pour ensuite se cacher dans les escaliers. Je me souviens encore de la tête de mon garçonnet qui n’en revenait pas de voir l’impressionnant monticule qui le toisait.
Aujourd’hui, Noël a perdu de sa magie et ils attendent sans trop de ferveur des cadeaux qu’ils ont choisi bien souvent eux-mêmes. La surprise et l’étonnement sont feints par politesse mais tout cela a un goût un peu fade pour moi qui les ai vu chavirer de bonheur et de joie en déchirant frénétiquement le papier cadeau opaque qui occultait à leur appétit d’enfants les merveilles que le Papa Noël leur avait choisies après lecture de leurs lettres ; longue liste de souhaits et de prières souvent exaucées.
Mardi, j’ai fait un bond en arrière et je suis retourné à l’essence même de l’esprit de Noël. Un Noël à Togbota, c’est être un explorateur qui découvre un continent, un anthropologue dénichant des idéogrammes prouvant l’existence d’une civilisation inconnue. Vous avez l’impression d’être au cœur même de “l’esprit de Noël“. Ici, point de sapins, de guirlandes, de cadeaux et de messes ennuyeuses et convenues. Ça chante partout, cela danse, crie, joue, prie… Les enfants courent en riant et en tapant sur des tam-tams improvisés à partir de casseroles recouvertes d’un simple sac en plastique tendu. Ils frappent avec frénésie sur des assiettes en plastique à l’aide d’un bâton de bois ramassé à même le sol ou ils font bruler des bougies sur de grands plateaux couverts de modestes offrandes : bouteille en plastique vide, petits piments, banane etc. Ce qui pourrait sembler famélique à l’occidental est féérique pour eux et cette joie est diablement contagieuse.
Pour l’occasion, j’avais emmené de France un bloc de foie gras et une demi-bouteille de Champagne (ma valise pesait déjà 28 kilos et je n’ai pas pu prendre plus de choses). Nous avons été 15 sur la bouteille de Champagne et les chanceux qui ont pu tremper leurs lèvres dans les coupes en plastique que nous avions trouvées au Super U de Cotonou ont réagi en tirant de grands sourires : “c’est bon !“ articulaient les apprentis sommeliers curieux de goûter pour la première fois de leur vie à cette étrange breuvage. Le foie gras n’a pas fait long feu non plus et faute de pain, certains l’ont dégusté sur des bananes plantains… Pas sûr que Ducasse approuve mais la marchande de pain la plus proche était à 2 heures de route et de pirogue…
J’avais également emmené de quoi écouter de la musique et nous avons dansé toute la soirée à en faire trembler la terrasse en bois de la case où se tenaient les Agapes. Les enfants exultaient et nous chantions à tue tête des chansons d’Eddy Mitchell ou de Dave dans un désordre bon enfant.
Il semblait surnaturel d’entendre “Du Côté de chez Swan“ hurlée par des enfants qui ne comprenaient rien de ce qu’ils chantaient mais qui répétaient les paroles que je prononçais.
Nous nous sommes faits dévorer par les moustiques mais peu importe : nous étions vraiment heureux d’être là. Lucie, la bénévole qui m’accompagnait durant ce séjour, m’a confié que c’était le plus beau Noël qu’elle ait jamais passé sur Terre et je veux bien la croire.
Le lendemain, nous avons distribué les vêtements que les donateurs nous avaient confiés et nous avons encore fait des heureux par dizaines.
Je finis ce texte de France où je viens d’atterrir. Dur dur de reprendre pied dans un pays qui est pourtant le mien et que je n’ai guère quitté très longtemps, mais qui semble s’éloigner de plus en plus de l’essentiel.
Je sais que ce spleen ne durera pas et que la réalité des choses reprendra le dessus. Je me ferai à nouveau à ma vie gâtée d’occidentale mais Dieu que la transition est difficile…
Reste le bilan plus que positif de cette expédition : un château d’eau bâti, un puits avec une pompe alimentée par un groupe électrogène flambant neuf, un système d’irrigation couvrant 4 hectares de cultures, un pulvérisateur à moteur, 50 kilos d’herbicide, tout le matériel nécessaire pour la construction d’un poulailler, une dizaine de téléphones portables distribués, près de soixante kilos de vêtements donnés, des médicaments pour le dispensaire, 4 tables et 14 tabourets fabriqués et achetés pour l’ouverture d’un petit maki (restaurant béninois placé sur le bord de la route) qui va sauver de la misère un homme sans travail.
Un proverbe africain dit : “si tu as de nombreuses richesses, donne ton bien. Si tu possèdes peu, donne ton cœur“. J’ai l’impression d’avoir convoyé un peu des deux en me rendant là-bas.
Merci à tous les donateurs pour m’avoir donné leurs biens ET leurs cœurs.

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