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liberté d’expression

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Aujourd’hui j’ai envie de pousser un (petit) coup de gueule, un (modeste) cri sur un thème qui commence à sérieusement m’agacer et à perturber le fragile équilibre que j’aspire à maintenir en moi. Je vais quand même faire attention aux mots que j’emploie et à mon expression littéraire car j’ai compris que sur Facebook, une parole, une photo, une légende mal comprise, mal interprétée ou mal reçue produit le même effet qu’une allumette jetée sur une pinède méditerranéenne un soir aoûtien. Tout le monde est sur les dents et la toile s’enflamme vite ces temps-ci.
L’objet de mon courroux tient au constat que notre société change à une vitesse vertigineuse et qu’elle ne va pas (à mon avis) dans le bon sens. On fait la chasse aux fumeurs, au gluten, au Nutella, on doit rouler à 50 en ville (voire à 30 dans certaines agglomérations) ; on ne peut plus téléphoner avec un kit main libre au volant de sa voiture ni faire le choix d’avoir des vitres teintées et on doit posséder un triangle et un gilet jaune (et bientôt un éthilomètre !) sous peine d’amende, sans parler du maillot de bain qui doit correspondre désormais à un code vestimentaire très précis… et surtout, on ne peut plus rire de tout comme avant. On ne peut plus exprimer librement ce que l’on a sur la conscience ou sur le cœur sans provoquer une levée de boucliers et je m’aperçois que l’autocensure est de plus en plus érigée en règle de vie absolue. Pour être heureux et vivre en harmonie “tous ensemble“, ne choquons personne, ne provoquons pas “l’autre“, le “différent de nous“. La bien pensance est le credo 2.0 de la France de 2016.
Pourtant moi je croyais naïvement qu’au contraire, c’était en mettant les pieds dans la bassine qu’on faisait bouger les choses. C’était en mettant de l’acide qu’on décapait, je croyais comme Raymond Queneau au pouvoir de l’abrasivité pour nettoyer les grands sentiments de leur connerie mais non… Il ne faut plus se moquer des petits, des trop grands, des handicapés, des gros, des nains, des anorexiques, des morts, des juifs, des musulmans (quoiqu’il semblerait qu’une forme de tolérance se développe ces temps-ci sur le sujet), des homosexuels… Il faut bien faire attention à chaque commentaire tweeté, chaque sketch écrit, chaque plaisanterie lancée, potache ou non, car ils seront analysés et passeront sous les fourches caudines des moralistes (de plus en plus nombreux) et le retour de bâton peut être implacable.
Le pire est que la police de la pensée, autrefois assurée par le pouvoir en place (Coluche était interdit d’antenne sous Giscard, Le Luron sous Mitterrand etc.) l’est aujourd’hui par le peuple lui-même ! Les détenus sont devenus geôliers ! Et je me demande par quel magie diabolique on a réussi à nous faire surveiller les uns par les autres pour vérifier que personne ne dépasse les bornes de la liberté d’expression qui se rétrécissent chaque jour un peu plus.
Bientôt Facebook (et plus généralement l’internet) ne contiendra plus que des videos de chatons “trop mignons“ et “trop rigolos“ renversant un pot de confiture ou déchirant les rideaux du salon provoquant l’hilarité des grands et des petits. Nous allons vers un humour “correct“, “normé“, plaisant à tout le monde et surtout : qui ne choque personne. Une sorte de rire “Coca-Cola“ avec un goût unique où que l’on se trouve, de Los Angeles à Pékin.
J’ai connu Coluche, j’ai grandi avec Le Luron, Pierre Desproges, Les Inconnus, Les Nuls et je me dis que ces artistes là ne pourraient plus s’exprimer librement aujourd’hui. Quelque chose a changé et c’est assez triste au final. Pierre Desproges pourrait-il encore dire : “on ne m’ôtera pas de l’idée que pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux Juifs ont eu une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi.“ sans subir les assauts du Crif et être condamné pour incitation à la haine raciale par le Conseil d’Etat ? Coluche pourrait-il raconter que “Dieu a créé l’alcool pour que les femmes moches baisent quand même“, sans que “Les Chiennes de Garde“ et toute la garnison des féministes ne demandent l’interdiction de ses sketches ? Il n’y a pas si longtemps, Patrick Timsit a du présenter ses excuses aux trisomiques pour un sketch qu’il avait écrit sur eux quant à Gérard Oury, il a déclaré que le film “Rabbi Jacob“ ne pourrait plus sortir aujourd’hui… Triste époque.
Où allons-nous ?
Tout le monde était Charlie Hebdo il y a quelque temps. Charlie Hebdo qui défend un humour trash, pipi caca, horriblement dérangeant parfois (cf la couverture sur la mort du petit Dylan) mais l’effet “je suis Charlie“ est passé de mode et on sent qu’on doit revenir à de l’humour plus “responsable“, plus politiquement correct afin que personne ne se sente offensé.
Rappelons-nous la Déclaration d’Indépendance du Cyberespace : “Nous créons un monde où chacun, où qu’il se trouve, peut exprimer ses idées, aussi singulières qu’elles puissent être, sans craindre d’être réduit au silence ou à une norme.“
J’ai peur que la norme (qui est toujours définit par le plus grand nombre) soit en train de gagner la bataille des idées et le monde qu’on nous prépare m’ennuie déjà.
Les videos de chatons et de bébés qui font des bêtises ne m’ont jamais fait rire. Mais je les tolère.

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