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accueil 03
Hier soir, je fus invité par une charmante jeune femme que j’ai la chance de compter parmi mes amis dans un restaurant asiatique où j’aime à me rassasier de canidé laqué et autres spécialités venant de ces lointains pays situés à l’est de l’Oural. Etant bipolaire, il m’arrive d’être aussi sauvage que socialement délicieux mais je pénétrai hier soir dans ce lieu sentant bon le nuoc mam et la graisse animale avec la solide volonté de me montrer sympathique aux yeux de mes contemporains et de l’amie à qui j’avais un tas de choses à conter. Le chef, et néanmoins patron, du restaurant nous sourit de toutes ses dents noires avant de laisser une employée fatiguée nous placer à une des cinquante tables de libre de son échoppe.
C’est à ce moment que j’ai commis une erreur fatale. Je lui ai demandé comment s’était passé son voyage en Chine. L’erreur du débutant, la connerie du bizuth, le truc à ne jamais faire si on veut manger tranquillement ses nouilles sauce saté. Il me répondit dans une logorrhée verbale proche de l’espéranto, que “voyage très bon, apprendre nouvelles recettes, mois prochain sur carte, Shanghaï, très super“. Je hochais poliment la tête entre deux éructations du petite homme jaune qui tentait désespérément de se faire comprendre. Mes dodelinements occipitaux lui donnèrent à croire que la ligne n’était pas coupée et que mes oreilles recevaient toujours le signal qu’il émettait par intermittence.
Nous franchîmes une étape supplémentaire quand le mandarin, non content de nous offrir le son, nous proposa l’image. Nous prenant au dépourvu, il dégaina prestement de son kimono (il doit être ceinture noire de quelque chose) un téléphone mobile d’une taille conséquente afin de livrer à nos yeux mi-clos les explications que son incontinence orale avait échoué à nous donner. S’ensuivit un long diaporama commenté en franco-chinois-berbère où, à l’aide de son doigt imberbe, il fit dérouler une impressionnante collection de photos de plats culinaires, ainsi que de passionnants clichés le montrant debout devant des bâtiments officiels.
Une nouvelle erreur fut commise par ma convive : elle lui posa une question rhétorique qui ne fut pas prise comme telle par le maître de conférence formosan. Je la fusillais du regard mais il était trop tard : le Kim Jong Un des cuisines s’enthousiasmait à lui répondre.
C’est la serveuse qui nous a sauvés de ce piège sournois dans lequel nous étions tombés à tongs jointes. Immobile à côté de la table, son carnet de commandes à la main, elle fit comprendre adroitement à son patron qu’elle aimerait bien se coucher avant une heure du matin et qu’accessoirement nous n’avions rien à battre des photos de plats en sauce qu’il étalait devant nos globes oculaires.
Le dîner qui me fut offert fut délicieux et ceci rattrapa cela. Lorsque, à la fin de nos agapes, nous revîmes le Yann Arthus Bertrand de la photo de cuisine revenir vers nous au pas de course afin de nous proposer un alcool de riz frelaté, une envie irrépressible de demander l’addition me prit. J’avais bien trop peur qu’il aille chercher son ordinateur portable made in China pour nous achever à coups de diapositives et c’est à la vitesse d’Usain Bolt que j’ai quitté l’établissement de l’asiate sans même me retourner.
Ses derniers mots à mon attention furent : “prochaine fois, montrer vous photos encore !“.
Quelqu’un connait un restaurant indien ?

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L’autre soir, je suis allé dans un bar à la mode accompagné d’une amie qui tente hebdomadairement de me faire sortir le bout de mon nez dans des lieux branchés. Ce n’est jamais le même car, à Marseille, un endroit branché devient très vite ringard et il faut pouvoir suivre l’actualité nocturne pour coller à l’endroit où il faut être vu (ceci dit, c’est rarement Hippopotamus ou Buffalo Grill qui font la première page).
Ma cavalière est bien renseignée et je la suis donc les yeux fermés dans des troquets où je n’aurais jamais mis les pieds si elle ne passait pas me récupérer en bas de mon immeuble dans son carrosse métallisé.
Dans ce bar, elle me présenta un ami à elle qui pris place à côté de moi. Ne sachant trop quoi lui dire et mon ennui restant hermétique à l’absorption de Mojitos, je décidai d’entamer la conversation en lui demandant ce qu’il faisait dans la vie. Erreur. Il faisait parti de cette secte, de cette catégorie d’êtres humains qui ne peut se contenter d’une réponse sibylline et précise. Alors qu’il aurait pu m’expliquer être dans la gestion de patrimoine, ce qui aurait provoqué chez moi une mou faussement intéressée ; il entreprit de m’indiquer avec précision où étaient situés ses bureaux. Je vous le demande : qu’est-ce qu’on en a à foutre ? J’aurais voulu lui faire comprendre que ce renseignement était superflu et qu’il n’enluminait absolument pas le (déjà) pénible et ennuyeux récit de son activité professionnelle ; mais non, je l’ai regardé ânonner des noms de rues et de ronds points dont je n’avais jamais entendu parler.
Je vidais d’un trait mon verre de Mojito en espérant que cela calmerait l’exaspération qui montait en moi à la vitesse du déficit commercial français mais il n’en fut rien : l’homme était toujours empêtré dans ses explications topographiques dont je me branlais la nouille avec la dextérité d’un taulard de QHS. Vous connaissez certainement ce genre de type qui ne peut s’empêcher de morceler son récit de détails inintéressants dont il a un mal fou à se souvenir :
“Je travaille avec le cabinet Machin, vous savez, il est sur le…  la… Ah merde ! Vous voyez où je veux dire ? Vous le connaissez, non ?… Mais si, il est à côté de la rue de… Merde comment elle s’appelle cette rue ?! Je connais qu’elle ! Ah zut ! Elle est en sens unique… Attendez, vous voyez le Spar ? C’est bien un Spar, hein ? Ou peut-être un Daily Monop… bon et bien le cabinet Machin, il est au bout de la rue, sur la gauche. Enfin, ça dépend parce que si vous arrivez de l’autre côté, c’est à droite… enfin non car on peut pas tourner…“
Vous le regardez bégayer, chercher ses mots, reconstituer mentalement le plan de la ville et vous n’avez qu’une envie : le dépecer sur place et lui demander alors qu’il agonise : “mais qu’est-ce que tu veux que ça me foute d’avoir l’adresse du cabinet de merde avec lequel tu bosses ??? A la limite, dis-moi ce que tu fais avec eux mais joue pas à Tom Tom avec moi !!!! Tu comprends ? Connard !??“ 
C’est le genre de type qui, s’il savait qui avait tué Kennedy, passerait 10′ à vous parler de Dallas et de son réseau de transport avant de vous balancer l’info. Horripilant.
Je suis resté stoïque face au GPS humain et je l’ai finalement interrompu alors qu’il remontait une bretelle d’autoroute. J’ai prétexté une envie pressante et je suis allé prendre ma respiration dans les toilettes de l’établissement, ce qui, compte tenu de l’hygiène des lieux, présentait un bel exploit. A mon retour, il parlait avec mon amie et je me suis alors précipité au bar. Vous voyez lequel, non ? Mais si, sur le Vieux Port… c’est THE endroit à la mode. Il est à côté du… Près de la place où il y a le… Oh merde comment il s’appelle déjà ce restaurant ?…

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Vous l’avez déjà rencontré, j’en suis certain. On a tous fait sa connaissance un jour ou l’autre et tel un morceau de sparadrap, il est très difficile de s’en débarrasser. Je veux bien sûr parler du casse-couilles, du lourdingue.
Le sort a voulu m’unir à lui durant le vol Denpasar/Bangkok. Je ne savais pas, alors que l’hôtesse d’accueil au sol me remettait ma carte d’accès à bord, que le siège 32C jouxterait celui du plus grand casse-burnes d’Europe. De nationalité hollandaise, il faisait partie du groupe que j’étais chargé de divertir de mes calembours et autres mots d’esprit dont le Seigneur, dans son infinie bonté, a bien voulu me confier la fabrication.
Pressé de m’isoler et de rentrer dans ma bulle que j’avais désertée durant 8 longues journées, j’installais mon casque audio sur les oreilles pour céder à l’acédie et plonger dans un film disponible en video à la demande. Le vol retour signifiait pour moi la fin de ma mission… mais j’avais tort. Alors que j’étais totalement pris par l’intrigue de mon film (un chef d’œuvre d’Arnold Schwarzenegger où il combat à coup de poings et de bazookas, de méchants trafiquants sud américains), je sentis un regard se poser sur moi comme le vautour se pose sur l’animal à l’agonie. C’est étonnant comme un simple regard peut peser autant qu’une main sur l’épaule : on “sent“ la présence d’une personne à la façon dont elle vous regarde. Je quittais donc brièvement l’écran LCD pour me tourner vers le passager assis à côté du hublot et je m’aperçus alors qu’il remuait les lèvres en me fixant du regard. Je fus donc bel et bien obligé de retirer mon casque afin de prendre connaissance de ce que souhaitait me communiquer l’importun. Sans doute voulait-il se lever pour aller aux toilettes et demandait ma permission pour se faire mais non… il s’adressa à moi en anglais :
alors ? T’es content de ta semaine avec nous ?
Je n’en revenais pas. Comment peut-on interrompre un être humain absorbé par la lecture d’un film, un casque sur les oreilles, pour entreprendre une conversation aussi futile qu’inintéressante ? Je répondais d’un air ahuri et un peu perdu :
oui… oui, c’était vraiment super. (silence durant lequel je m’interrogeais intérieurement sur la suite à donner à ma réplique. Remettre mon casque et poursuivre la lecture de mon film ou bien… j’obtins la réponse avant de terminer la liste des options possibles)
– tu fais quoi dans la vie ?
Et merde… Me voilà acculé dans une discussion sans issue. Je faisais bref et dissimulais la grande richesse de ma vie professionnelle afin de ne pas exciter la curiosité prépotente de mon fâcheux voisin. Mais le batave avait faim de relation humaine et il avait décidé de passer les 4 heures de vol à discuter avec moi. Econome en mots et adoptant le mode “je n’ai pas envie d’être gentil“, je tentais de repousser les assauts capricants du hollandais. Il finissait pas céder devant le peu d’entrain que je mettais à alimenter une conversation sans intérêt et je profitais d’une fenêtre de silence de quelques secondes pour remettre mon casque sur les oreilles et retrouver ainsi le fil d’une intrigue aussi simple que le mode d’emploi d’une pince à épiler. Les films du body buildé autrichien ont cela de bien que l’on peut sans problème se rendre aux toilettes ou prendre une douche, sans rien perdre au sens de l’histoire. Vous le quittez une hachette à la main en train de taillader un mexicain, vous le retrouvez avec une mitrailleuse en train de plomber le copain du mexicain.
Je sentis son regard se poser à nouveau sur moi… Je tournais la tête et trouvais le visage (familier) de mon voisin en train de me parler. “Putain, mais c’est pas vrai ! Tu vas pas me lâcher la grappe con de battave ! Tu ne vois pas que je n’ai pas ENVIE de parler avec toi ? Tu me fais chier, tu comprends ? Prends le magazine de la compagnie, lis les consignes de sécurité, fais ce que tu veux mais ne m’adresse plus la parole !“ Voilà ce que j’aurais voulu exprimer à ce moment précis mais je n’en ai rien fait. Professionnel jusqu’au bout, j’ai évité l’algarade et j’ai retiré à nouveau mon casque pour écouter patiemment ce que le casse-burnes avait à déclarer.
Tu habites Paris ?
Après avoir répondu à sa question j’ai commis une boulette. Culpabilisant quant à mon manque d’humanité affichée, j’ai voulu me rattraper et c’est là que tout a dérapé…
Et toi, tu fais quoi dans la société ?
J’ai alors eu droit à un exposé en anglais sur le contrôle de gestion durant 15 bonnes minutes. Je hochais de temps en temps la tête en pensant à Schwarzenegger qui ne m’attendrait pas pour finir sa mission. Au rythme où il dézinguait les types, il n’y aurait bientôt plus assez de mexicains au pays et il allait devoir passer la frontière pour trouver de quoi terminer son génocide.
Je me suis interrogé sur ce qu’il aurait fait en pareille situation. Je parie qu’il aurait dit au hollandais “hasta la vista baby !“ avant de lui balancer un bon coup de botte dans la tronche.
Je n’ai rien fait… j’étais en tong.

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