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J’aime vous ouvrir de temps à autre mon album souvenirs, mon carnet secret où je couche mes expériences passées, mes anecdotes que j’essaye toujours de rédiger sous le trait de l’humour et du décalage. C’est ma façon à moi de prendre du recul par rapport aux événements joyeux ou tristes que je traverse, de me tenir à bonne distance du pathétique et me prémunir de trop grandes désillusions.
Il m’est revenu aujourd’hui une histoire qui m’est arrivée il y a quelques temps déjà. Je vais vous conter un épisode (véridique) de ma vie alors que je pensais avoir rencontré la pièce manquante au grand puzzle de ma vie.
Pour elle, je m’étais transformé en laquais, en tourtereau transi d’amour prêt à tous les sacrifices pour satisfaire le moindre de ses désirs et mieux encore : les anticiper. Mes amis ne me reconnaissaient pas et certains se moquaient de ce romantisme suranné dont je débordais. Bref, j’aimais comme jamais et je suivais l’ombre de sa main comme un toutou affectueux et obéissant. Attentions multiples et variées, il ne se passait pas un jour sans que mon imagination ne s’accorde au diapason de mon cœur pour trouver l’idée qui illuminerait son regard. Je n’ai, hélas, pas souvent trouvé de lueurs dans ses jolis yeux durant les quelques semaines qu’a duré notre relation mais je mettais ses silences sur le compte de la pudeur et cela ne m’empêchait nullement de continuer à lui faire la cour avec frénésie.
Pour elle, j’ai vidé son lave-vaisselle (je vous jure !), j’ai nettoyé ses plaques de cuisson encrassées (avec une éponge ! L’horreur pour moi qui suis épongiphobe), j’ai fait des courses dans des magasins un samedi après-midi, vidé ses poubelles et même fait du tri sélectif ! Et je ne vous parle pas des petits cadeaux destinés à transformer ses journées en Noël quotidien. Et le plus beau est que je faisais tout cela avec le sourire aux lèvres.
Un jour, je lui proposai de terminer les travaux qu’elle avait entamés dans ses WC deux mois auparavant sans jamais les terminer. Son entrée était embarrassée de pots de peinture et de bouteilles de White Spirit et je me suis dit que ce serait une belle preuve d’amour que de lui donner la main, moi le néophyte complet question bricolage, moi qui fais appel à une entreprise pour changer un interrupteur et qui n’ai pas tenu un pinceau depuis le cours préparatoire.
Je reçus l’autorisation de la Kommandatur (elle était très autoritaire) de passer une dernière couche d’enduit et donc, un matin, je revêtis ma tenue de combat (un simple caleçon) pour mener à bien cette tâche qui allait m’amener, espérais-je, à pénétrer durablement le Valhalla de ses sentiments. Je ne savais pas encore que ces travaux serviraient de sépulture à notre amour défunt.
J’étudiai avec attention la notice inscrite sur le pot d’enduit et me consacrai à ma mission avec la précision d’un Léonard de Vinci et le souci de bien faire d’un Maître Compagnon de France. Je passai 2 bonnes heures à enduire les murs de cette pâte collante en essayant de ne pas trop penser au travail urgent que je devais rendre le lendemain. Quand on aime, on ne compte pas.
Quand je quittai son appartement, j’avais le cœur gonflé d’orgueil et de fierté. J’avais réussi ! J’étais heureux de lui avoir fait ce cadeau, un peu à la manière d’un enfant fabriquant en cachette un collier de pâtes pour l’offrir à la Fête des Mères.
Je reçus un SMS quelques heures plus tard me remerciant pour mon labeur. J’étais heureux de l’imaginer ébaubie dans ses toilettes, se murmurant à elle-même : “quelle chance d’avoir trouvé un homme qui me gâte autant !“
“Mission accomplished !“, pensais-je, tel le George W. Bush du bâtiment ; mais le soir, quand je rentrai chez elle, l’ambiance fut tout autre. Je la savais capable de brusques changements d’humeur (bipolarité ?), mais je ne réussis jamais à m’y habituer.
Alors que je pensai être honoré tel un soldat rentrant du front, je me fis gronder comme un garnement à qui l’on jette à la gueule son collier de pâtes en vociférant : “c’est quoi cette merde ? Tu crois que je vais porter un truc pareil autour du cou ?“
Elle me convoqua rapidement dans ses toilettes, m’intima l’ordre de fermer la porte derrière nous et de l’écouter attentivement. Je n’eus d’autre choix que de m’exécuter sinon c’était la Cour Martiale et un transfert à Guantanamo où des militaires m’auraient appris à respirer sous l’eau dans une baignoire.
Nous voilà tous les deux enfermés dans un cabinet de toilettes n’excédant pas 1,5 m x par 1 m pour une réception de chantier où je ne fus pas à la fête… J’avais apparemment très mal travaillé et ce n’était pas “du tout comme cela qu’il fallait faire“. Ma compagne m’expliqua que mon initiative était une catastrophe pour elle et que loin de lui faire plaisir, lui procurait bien du soucis ainsi qu’un travail de ponçage conséquent et fastidieux à venir. Elle ajouta à ses griefs le fait que depuis que j’avais voulu dépanner son ordinateur, celui-ci marchait beaucoup moins bien, qu’elle recevait également de nombreux spams depuis que je lui adressais des mots d’amour par mail et que j’avais abimé la serrure de sa porte d’entrée depuis qu’elle m’avait confié un double de ses clefs. Bref, mon dossier s’épaississait dangereusement…
J’avais le sentiment de me trouver devant un professeur qui me rendait un zéro pointé en m’humiliant devant toute la classe. Pourtant… il me paraissait bien ces murs à moi… Surtout pour des WC… Mais elle m’expliqua avec dureté qu’elle était très exigeante et qu’elle ne donnait pas le même sens que moi au mot qualité.
Penaud, déconfit, je lui répondis en bredouillant des excuses, que dès le lendemain, je corrigerai ce travail de sagouin dont elle avait fini par me convaincre et que je poncerai ces murs pour les rendre aussi lisse qu’une peau de bébé. Elle m’avertit alors qu’elle ne tolérerait aucune poussière dans son appartement et qu’il fallait que je prenne toutes mes précautions afin d’éviter une plus grande catastrophe.
Autant vous dire que la pression sur mes épaules était grande quand, le matin suivant, je m’enfermai dans ses toilettes que j’avais calfeutrés afin qu’aucune poussière ne vagabonde. Cloitré dans les sanitaires, l’air fut rapidement irrespirable pour mes poumons et je pense qu’il doit encore s’y trouver des résidus d’enduit qui déclencheront sans doute un cancer prochain. Bref, après plus d’une heure passée à frotter vigoureusement les murs, je faisais glisser, satisfait, un doigt sur les parois immaculées afin d’en contrôler la douceur et la régularité.
Un manteau blanc de poussière m’habillait mais j’avais prévu un ensemble de papier journal disposé sur le sol afin de guider mes pas jusque dans la salle de bain sans risquer de tâcher le précieux carrelage de ma dulcinée. Une fois lavé, je décidai de passer l’aspirateur puis la serpillère afin de supprimer toute trace de mes efforts.
J’étais heureux et fier de mon œuvre, certain cette fois-ci que le dragon avec lequel je vivais à l’époque serait aux anges, reconnaissant et amoureux.
J’attendis toute la journée un SMS de gratification qui ne vint jamais. “Elle doit être trop bouleversée pour trouver des mots qui n’existent pas dans le dictionnaire ou bien elle n’est pas encore rentrée chez elle“, pensais-je naïvement. Je me suis imaginé cueillir les fleurs de la gloire le soir en rentrant à son domicile, tel Jules César après la conquête des Gaules. Mais non. Je fus accueilli d’un froid baiser rapidement donné. Tiens donc… Elle n’aurait donc pas fait pipi ? Aurait-elle oublié la mission que je m’étais assignée la veille ?
Au bout de 20 minutes d’ignorance et n’y tenant plus, je tentais une approche en douceur : “tu as… vu que j’avais poncé les WC ?“. Sa première réponse me laissa coi : “Ah non ! J’ai pas eu le temps !“ (son excuse préférée, celle derrière laquelle elle se réfugiait dès qu’elle se sentait coupable de quelque chose). Quelle force de la nature pensais-je intérieurement : grosse travailleuse, remarquable femme d’intérieure, elle n’avait même pas eu le temps de faire une courte halte dans les toilettes pour soulager sa vessie après une journée de travail chargée. Quelle abnégation ! Je l’admirais tellement que sa réponse ne m’offusqua pas. Quelques secondes plus tard, elle m’interrogea de loin : “ah… Tu n’as pas fait les murs ?“ “Si, si !“, lui rétorquai-je un brin choqué, ajoutant pour lui faire prendre conscience de la mesure de ma tâche que j’avais passé une heure et demie à tout poncer et nettoyer derrière moi.
Vous savez ce qu’elle m’a répondu ? “Ce n’est pas grave, je vais le refaire“. Je m’attendais à une médaille, une fanfare, un premier prix de quelque chose ou un simple merci mais je ne reçus que ces mots en guise d’anathème : “ce n’est pas grave, je vais le refaire“.
Cette histoire fut la goutte de peinture qui fit déborder le pot. Je n’obtins jamais d’excuses car, handicapée émotionnelle à la limite de l’autisme, elle ne réussit jamais à comprendre le mal qu’elle m’avait fait. D’une manière générale, elle ne comprenait jamais la peine qu’elle causait à son entourage, sa famille, son associée et le peu d’amis qu’elle comptait. Sûre d’elle et de son charme, persuadée d’être une femme aimable en tout point, elle ne se rendait pas compte qu’elle mettait tout en place pour qu’on ne l’aima plus, préférant trouver loin d’elle des explications à son long célibat et ses multiples échecs amoureux.
Je compris grâce à cet épisode que mes fleurs ne seraient jamais assez colorées, que les gâteaux que je lui ramenais seraient toujours trop secs, mes attentions inutiles et que je perdais un temps précieux à déverser mon amour dans un panier percé. On ne sauve pas les gens malgré eux, on ne peut pas non plus les aimer s’ils ne le désirent pas et je décidai donc de reprendre ma liberté pour aller enduire d’autres murs. J’étais certain que la prochaine fois, je récolterais l’étreinte que je pense mériter ; même si le travail est mal fait 🙂
Le jour même de cette prise de conscience, je me souviens avoir été interviewé par une journaliste qui me demanda quelle était la qualité que je préférais chez une femme. Je ne sais pas ce que j’aurais répondu d’ordinaire mais ce jour-là, après avoir été l’innocente victime de son égoïsme congénital, je répondis sans hésiter : la gentillesse.
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