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Il y a des moments où je me dis que la vie est vraiment belle, que l’espoir est toujours quelque part, ne demandant qu’à être découvert, telle une truffe posée sur un matelas d’humus, sous une couverture de feuilles d’automne. On ne la voit pas, on ne la sent pas encore mais elle est là, fantastique trésor des gastronomes, caché à l’abri des regards, tel un butin de pirate perdu dans une épaisse forêt. Elle se donnera au plus téméraire, au plus méritant, plus rarement au chanceux.
L’espoir est ainsi : on ne le voit pas toujours et on en vient parfois à se demander s’il existe vraiment, si ce n’est pas une chimère, une histoire que certains se racontent pour se rassurer et se donner le courage de continuer. L’espoir est blagueur, il aime jouer à cache à cache. Plus nos angoisses sont tenaces, plus nos doutes nous asphyxient et plus ses cachettes sont pointues, élaborées, reculées… plus l’espoir est difficile à débusquer. Mais quant on y arrive, quand on le tient enfin, quelle joie !
Je l’ai trouvé cette semaine, ce foutu espoir après qui je courrais depuis quelque temps. Il se terrait du côté de Hong-Kong, de Bagnols-sur-Cèze, de la Calanque du Port d’Alon avant de se faufiler en bas de chez moi. “Coquin de sort !“ comme dirait un personnage de Marcel Pagnol ; l’espoir se faisait globe trotteur et s’amusait à traverser les fuseaux horaires, à s’affranchir des distances et se grimer pour que je ne le trouve pas. (suite…)

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L’histoire de ce jeune homme (pas celui du milieu mais à gauche) est belle alors j’ai envie de vous la conter. Il s’appelle Isidore Voudounou et il a été un des élèves à qui j’ai fait brièvement la classe en 2009 dans le petit village de Togbota que je découvrais alors.
De tous les enfants de CM1/CM2 que j’avais face à moi, il est le seul dans les yeux duquel j’ai vu une lueur, une étincelle, un désir d’apprendre, une envie de sortir du sillon déjà tracé par sa famille dans la terre fertile que son père et sa mère ont hérité de leurs ancêtres et qu’ils labourent à la main sous une chaleur étouffante.
Il était le meilleur de la classe et j’ai décidé de le prendre sous mon aile. Je ne savais pas en rentrant en France au mois d’avril 2009 si je retournerai un jour en Afrique, au Bénin mais j’étais bien décidé à tenir la promesse que j’avais faite à Isidore avant de partir retrouver ma vie d’occidental : je l’aiderai tant qu’il aurait envie d’étudier. L’envie, seule condition que j’avais posée à mon aide financière.
Et puis je suis retourné au Bénin… plus d’une fois. Chaque fois, je retrouvais Isidore, consultais ses carnets de notes et constatais avec fierté que celles-ci ne baissaient pas. L’envie était toujours là, tenace. Je ressentais de plus en plus chez lui la rage de quitter un jour son village, de réussir afin de pouvoir aider les siens qui eux y resteront, enchainés à leurs cultures et leurs coutumes.
Je recroise souvent nombre de mes anciens élèves qui n’ont pas fait ou pas pu faire le choix d’Isidore. Ils n’éprouvaient pas sa “faim“, sa boule au ventre ou bien ont-ils été victimes de l’avidité ou du désespoir de leurs parents qui les ont vendus comme esclaves au Nigéria voisin. D’autres ont choisi la facilité de l’atavisme familial et ont naturellement atterri dans les champs de piments et de papayes qu’ils cultiveront jusqu’à leur mort.
Pas Isidore. Bachelier depuis le mois de juillet, je viens de l’inscrire samedi dernier à une école de commerce de Cotonou où il bénéficiera des moyens de se nourrir l’esprit. Il disposera également d’un ordinateur portable compris dans le prix de sa formation que j’ai intégralement réglée avec mes propres deniers et non ceux de l’Association.
A l’heure où j’écris ses lignes, Isidore assiste à son premier cours de l’année.
Et moi ? Moi, je suis fier de lui.

P.S. : la personne à droite est l’oncle chez qui Isidore loge et qui a tenu à me remercier pour l’aide que je lui apporte.

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C’est avec grande fierté et un certain plaisir que je vous annonce le lancement du site internet de mon association Les Enfants de Togbota. Précision : je l’ai fait tout seul ! Et oui, je me suis lancé et j’ai financé sur mes deniers personnels tous les frais afférents au lancement du site (achat nom de domaine + hébergement).
Allez-y, découvrez-le et sachez que vous pourrez faire un don en ligne ! Carte Bleue et PayPal sont acceptés, il vous suffit de cliquer ici.

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Hier nous sommes partis à Togbota, à 2 heures et demi de “route“ de Cotonou, afin d’y distribuer les vêtements et jouets que mes amies Ségolène et Catherine m’avaient confiés. Idem pour la mère de mes enfants qui avaient vidé pour l’occasion ses armoires pour remplir nos valises.
Je pensais que, vu la quantité de bagages à emmener et le nombre de passagers que nous étions, nous prendrions un taxi brousse mais non… nous y sommes allés en moto. Et j’en ai conduit une ! Oui, je me suis laissé convaincre que je saurai conduire sur les pistes ocres africaines et j’ai donc accepté le challenge. Je ne sais pas combien de fois nous avons évité la mort ma fille et moi, juchés sur une moto de fabrication chinoise sans frein arrière et dont toutes les vitesses se passaient en poussant sur le sélecteur de vitesses (les motards comprendront que c’est l’inverse de toutes les motos circulant dans le monde). J’ai mis un peu de temps à comprendre pourquoi le moteur faisait tant de bruit quand je passais les vitesses alors que je rétrogradais…
Après avoir évité des piétons chargés de bois/fruits/piments, des porcs en liberté cherchant quelque nourriture à se glisser sous le groin, des chèvres traversant la piste devant vos roues, des enfants chantant sur le bord de la route en vous saluant joyeusement de la main, nous avons rejoint le village de Togbota. Il nous aura fallu deux (longues) heures de moto surchargées de bagages qui nous faisaient perdre l’équilibre à chaque coup de guidon destiné à éviter les obstacles sus-nommés mais nous sommes arrivés entiers.
Nous avons d’abord visité “ma“ ferme, entretenue par Léonel qui a récemment planté du riz. J’espère que cette nouvelle culture donnera de bonnes récoltes au mois de janvier prochain. Ensuite, nous avons traversé le fleuve Togbo pour nous rendre à l’école et y distribuer les fameux vêtements.
Il n’y en a pas eu assez. Il n’y en a JAMAIS assez et c’est assez désespérant de les voir rentrer un par un dans la case pour essayer qui une jupe, qui un tee-shirt, qui une paire de chaussures et ne pas voir la longue file d’attente diminuer alors que le tas de vêtements, lui, fond comme neige au Bénin.
Ma grande joie de père fut d’observer mes enfants très actifs durant cette distribution : ils avaient classé les vêtements par sexe : femmes, hommes et un tas pour les enfants. Ils en avaient fait un autre avec les quelques jouets et accessoires que nous avions amenés avec nous : boite à musique, balles, chouchou, bracelets de perles en plastique, poupée…
Ils tentaient d’endiguer tant bien que mal le flot des enfants, repérer au dehors ceux dont la taille serait susceptible de coïncider avec une petite jupe rose à poids ou un jean “Orchestra“. Je leur avais appris à regarder leurs pieds nus afin de jauger leur pointure et faire le lien avec les chaussures en stock. Petite anecdote truculente : un adolescent voulait absolument rentrer dans des chaussures de femme, ce qui nous a tous donné l’occasion de rire au milieu de notre étouffante braderie. Nous lui avons expliqué que c’était des chaussures de femmes et que ses grands pieds taille 43 ne rentreraient pas dans des sandales taille 38 mais il ne voulait rien entendre et tentait de nous prouver qu’il pouvait y arriver. La question du sexe auquel étaient destinées ces chaussures n’avaient aucune importance pour lui (et je crois qu’il avait raison).
J’ai aimé voir mes enfants tenter de satisfaire le plus grand nombre et je crois avoir décelé dans leur regard d’enfant et d’adolescente de la joie sincère ainsi qu’un brin de fierté. Ce n’est pas donné à tout le monde d’habiller une soixantaine d’enfants 🙂
Les chaussures que mon fils ne voulaient plus mettre (car la mode dans la cour de son école privée change aussi vite que les couleurs d’un caméléon posé sur du tissu écossais), faisait briller les yeux d’un petit garçon qui les serrait contre lui comme si c’était le plus précieux des présents. J’ai vu une petite fille à qui la mienne offrait une petite robe avec de la dentelle, exploser pudiquement de joie intérieure.
La distribution de 3 baguettes de pain que nous avions amenées pour déjeuner a dégénéré en pugilat et mon fils était effaré de voir autant de mains se dresser vers nous pour saisir un simple bout de pain que d’ordinaire nous jetons à la poubelle quand il reste sur la table.
Mes enfants auront peut-être compris certaines choses essentielles durant ce voyage. Cela ne les empêchera pas de me demander pour leur anniversaire un manteau Kooples ou Sandro, un iPhone ou un nouvel ordinateur (Apple, forcément) mais après tout, je ne leur demande pas de changer de goûts vestimentaires ou de se détourner d’objets technologiques qui emplissent notre quotidien. Je suis, moi parent, également responsable de cette orientation. J’espère juste qu’ils auront vu que nos déchets, nos rebuts sont des trésors pour d’autres que nous. Peut-être auront-ils mieux compris le sens du mot “générosité“ ?
Avant de partir, on m’a tendu une enveloppe libellée à mon nom approximatif : “Monsieur le Président Accarias“. L’écriture maladroite et hésitante donnait une indication quant à l’âge de son auteur. Les formules de politesse se superposaient les unes aux autres, me donnant du “Monsieur le Président“ à chaque ligne, du “soyez béni par Dieu“ pour marquer la fin d’un paragraphe etc. afin de me demander de financer ses frais de scolarité (25 € par an pour aller en classe de 4e). Il m’expliquait dans sa lettre que l’an dernier il n’avait pu aller à l’école à cause du manque d’argent. 25 €… Deux places de ciné en 3D avec les lunettes. Si quelqu’un veut aider Fataï (c’est son nom) à retourner à l’école au mois d’octobre, vous connaissez le tarif. Sinon, c’est moi qui le prendrai en charge. J’en aide déjà un depuis le CM1 : il vient d’obtenir le Bac et je vais lui financer ses études de médecine à la rentrée (c’est toujours bon d’avoir un médecin dans ses connaissances).
Voilà le bilan de ce petit voyage plus humain que réellement humanitaire. J’ai essayé d’inoculer quelque chose à mes enfants et maintenant, à eux d’incuber. Ils feront ce qu’ils veulent de toutes ces richesses aperçues durant 2 semaines.
Une amie répète souvent à sa fille quelque chose de très beau que j’ai glissé à mon tour dans l’oreille de mon fils alors que nous étions sur la pirogue qui nous éloignait de la berge où nous saluaient des dizaines d’enfants : remplis-toi les yeux et n’oublie jamais.

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Jeudi, je suis parti avec mes enfants, mon amie béninoise Catherine et mon nouvel ami/chauffeur/guide/responsable de l’association humanitaire Tata Somba, Jean-Rolland dans le nord du Bénin : 9 heures de route dans un Toyota Rav4 toutes options (mais plus aucune ne fonctionnait) sur des routes défoncées par la pluie et les camions ralliant le Burkina Fasso avec des remorques chargées à bloc de produits divers : céréales, manioc, maïs, ananas, riz, pétrole, hommes et femmes entassés comme du bétail…
Je n’ai pas compté le nombre de ces camions à l’état d’épaves en panne sur le bas côté ou carrément sur la chaussée dans l’attente d’une pièce mécanique, d’un pneu ou le plus souvent d’un miracle… J’en ai vu d’autres, moins chanceux, gisant dans le fossé ou bien encore sur la piste, le tracteur défoncé par un choc aussi destructeur que mortel car personne n’attache sa ceinture de sécurité ici (quand elles fonctionnent. On a ainsi effectué plus de 1000 kilomètres sans).
J’ai même vu aujourd’hui un bus dans un ravin et j’ai alors songé au destin de la centaine de passagers qui devaient y voyager bruyamment avant de plonger en criant dans le vide… puis le silence. Crevaison, problème mécanique, erreur humaine, obstacle ? On ne le saura jamais car il n’y aura certainement pas d’enquête. On préférera attribuer l’accident aux mauvais esprits. Il est plus facile de faire son deuil si on sait que le Malin était de la partie et que rien ne pouvait sauver les pauvres diables se rendant au marché de Natitingou pour vendre quelques bêtes ou bien rendre visite à leur famille. Il y a 5 ans, j’avais pris un de ces bus.
Nous étions tellement brinquebalés dans la Toyota qu’on se serait cru dans une Jeep lunaire en train de naviguer sur la Mère de la Tranquillité (la gravité en plus et c’est un détail qui compte). Nous sommes arrivés perclus de courbatures sur 3 roues (à cause d’un pneu “gâté“ comme ils disent) et l’embrayage en petite forme à tel point que l’on a été obligé de grimper une côte en marche arrière sous les regards curieux des piétons qui passaient par là, portant sur leurs crânes des plateaux chargés de linge ou de fruits.
J’ai découvert des choses que je n’avais jamais vues auparavant, rencontré des êtres humains d’une chaleur rare et assisté à des scènes surréalistes. Ainsi, au détour d’un virage, j’avise un groupe d’hommes courant sur la route. N’ayant pas aperçu beaucoup de joggeurs dans le pays, je m’étonnais auprès de notre chauffeur (Olivier, un guide épatant qui nous emmenait au parc de la Pandjari) de cette curieuse pratique sportive en plein pays de l’Acatora. Il m’expliqua alors que le groupe d’hommes étaient en train de porter un macabé au cimetière pour l’enterrer.
Effectivement, arrivé à leur hauteur, j’ai bien vu un “cercueil“ de fortune porté par une forêt de bras d’ébène. C’est ainsi que les enterrements se font au pays Somba : on porte en courant le corps du défunt jusqu’au cimetière où il sera vite mis en terre afin que l’âme ne tarde pas trop à monter au ciel et avant que le mauvais esprit (encore lui) ne s’empare du pauvre bougre. Les hommes se relaient ainsi sur des parcours pouvant atteindre jusqu’à 25 kilomètres…
Il arrive même que le mort leur adresse des signes durant son dernier voyage alors les semi-marathoniens rebroussent chemin et attendent que l’oracle (le Fâ) ait fini d’analyser et interpréter les signes envoyés par le défunt. En cas de crime, c’est le mort qui désigne lui même le coupable : si l’un des hommes portant le cercueil arrête de courir, il signe son arrêt de mort…
Vous voyez un peu le genre de trucs auquel j’assiste ? C’est proprement hallucinant et je ne vous parle pas des plats que l’on me propose de gouter : chien, varan, iguane etc. mais je m’en tiens à mon régime à base de Vache Qui Rit et de coquillettes. Et j’ai mille histoires comme celle-ci à raconter mais je ne vais pas vous emmerder avec ça : y’a les JO à la TV 🙂
En rentrant, je rêve d’aller manger chez Etienne une pizza à la mozzarella suivie d’un pavé de viande avec une bouteille de rosé fraîche… On apprend à faire des rêves accessibles au Bénin.

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Quand vous lirez ces lignes, je serai dans un avion de Royal Air Maroc à destination du Bénin, petit état de l’Afrique de l’Ouest. Un des 25 pays les plus pauvres au monde, c’est vous dire s’il y a du monde devant… Pas de richesse dans ses sous-sols, une agriculture embryonnaire, de la corruption à tous les étages de l’administration… et puis ma petite association humanitaire “Les Enfants de Togbota“ qui tente d’écoper l’eau qui rentre par tous les trous de la coque pour essayer de rester à flot.
7 ans que je me rends sur place pour m’occuper du petit village de Togbota et de ses 4000 âmes dont 3000 enfants. Pas toujours les mêmes malheureusement car il y a un gros turn over là-bas… Un peu comme chez France Telecom mais la différence est qu’eux ne choisissent pas de mettre fin à leur jour. La maladie, l’insalubrité, la pollution de l’eau se chargent d’éliminer les plus jeunes, les plus fragiles d’entre eux. Sélection naturelle comme on appelle ça dans les livres d’anthropologie.
Drôle de destination pour des vacances, n’est-ce pas ? J’aurais pu choisir le Club Med, un bel hôtel en Toscane, louer une maison avec des amis dans le Sud Ouest, partir visiter ma chère Asie mais non… J’ai décidé de retourner au Bénin mais cette fois-ci, j’emmène mes enfants avec moi pour qu’ils voient et comprennent ce que je mets en place là-bas avec l’aide de mon équipe locale : Eugène, Léonel, Constance, Rodrigue…
Au Bénin, ils vont comprendre ce que signifie ne rien posséder, de vivre sans wifi, avec un réseau téléphonique parcellaire, de ne rien pouvoir manger de frais, de ne pas avoir d’eau qui coule d’un robinet, d’être heureux de trouver de l’électricité et de partager ce qu’on a, tout ce qu’on a…
Quand j’ai fait ma valise, que je l’ai remplie d’affaires que Catherine et Paloma, une amie et sa fille m’ont confiées, j’ai réalisé que je n’avais plus de place pour les miennes. Alors j’ai glissé quelques caleçons et des tee-shirts dans la valise de mes enfants et j’emporte avec moi ma trousse de toilette qui n’aura jamais été aussi légère. Je piocherai dans les affaires que je convoie pour me vêtir et je les laisserai sur place à une population le plus souvent vêtue de haillon, habituée à marcher pieds nus pendant des heures sans se plaindre. Je sais qu’Isidore, un enfant que je parraine depuis 7 ans et qui vient d’obtenir son bac, viendra me voir. Comme à chaque fois, il lui en coutera 3 heures de marche pour passer une heure ou deux avec moi avant de repartir pour 3 heures sous la pluie (c’est la saison) et une chaude moiteur vers son école qu’il fréquente même l’été car il veut devenir médecin et s’en donne les moyens.
Voilà l’environnement qui sera le nôtre durant un peu moins de 15 jours. Je vais profiter de ce séjour pour également visiter ce pays que finalement je connais bien peu. Nous irons dans le nord et sa réserve animalière même si ce n’est pas recommandé par le gouvernement français. Mais je me sens plus en sécurité au Bénin qu’en France… Drôle d’époque.
Je vous raconterai si cela vous intéresse. J’ai hâte d’étudier les réactions de mes enfants face à ce choc des civilisations. Ils vont râler, ils vont avoir faim, ils vont se plaindre des moustiques, de la chaleur, de la pluie, de la boue qui colle aux pieds, des “bestioles“ sans noms qui grimpent, sautent, rampent, volent autour de vous mais j’espère qu’en revenant en Europe, ils comprendront la chance qu’ils ont de vivre dans le confort qui tapisse notre quotidien.

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Harvey Haight, Président du Rotary Club de Saint Michel a tenu sa promesse formulée début décembre lorsque je suis rentré du Bénin.
Il m’a remis au cours d’un déjeuner à l’hôtel Mercure, un chèque de 2000 € qui vont intégralement servir à la réfection du toit du dispensaire d’Oujra.
Merci à lui et aux membre du Rotary pour leur soutien !

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Voilà, je suis rentré en France. J’ai retrouvé l’eau qui sort du robinet à laquelle on peut facilement rajouter des glaçons si on la préfère glacée. J’ai commuté la lumière en appuyant sur un simple interrupteur. Je n’ai pas eu besoin d’un bruyant groupe électrogène fonctionnant à l’essence pour cela. Je me suis servi un verre de vin, coupé un morceau de pain que j’ai accompagné d’un bout de fromage. J’avais déjà embrassé le monde auquel j’appartiens à l’aéroport de Paris où j’ai pris connaissance des dernières informations qui font courir la planète. Rien sur le Bénin… Bizarre émoticône smile L’actualité est ailleurs on dirait.

J’ai encore l’odeur de la poussière soufflée par l’Harmattan et des nénuphars odoriférants du fleuve Togbo dans les narines. J’ai troqué les mille couleurs des tissus africains pour le gris et le camaÏeu des vêtements occidentaux, échangé les sourires africains pour les mines renfrognés d’hommes d’affaires descendant à Marseille pour affaires. Bientôt je rejoindrai le troupeau. Je leur appartiens et je ne me trompe pas de pâturage. Je sais qu’après quelques jours où je prendrai le temps de me reconnecter à mon univers, tout rentrera dans l’ordre. Mais je n’oublierai rien. Comme à chaque fois, mon coffre à souvenirs va s’enrichir de nouveaux visages, de nouvelles têtes, de précieux sourires d’enfants et de belles émotions dont personne ne pourra forcer la serrure.
Je repense à Isidore, cet enfant que j’avais eu dans ma classe en 2009 et que j’ai suivi de près, finançant sur mes deniers sa scolarité et même un peu plus parfois. Je l’ai vu jeudi au village et cela a été fort, comme à chaque fois. Brillant élève de terminale scientifique, il est en route pour le baccalauréat qu’il n’aurait jamais pu obtenir si personne ne lui avait payé ses études. Après le Bac ? Médecine. Il veut être docteur m’a confié ce grand timide qui a fait 2h30 de vélo dans la brousse, sous une chaleur étouffante pour me voir 1 heure à peine. Quand je pense que mes enfants font la tête quand je ne peux pas aller les chercher à l’école et qu’ils “doivent“ prendre le métro ou pire, marcher 10 minutes. Isidore quant à lui, n’a pas hésité à faire 5 heures de vélo dans la journée (il devait être de retour au lycée à 17h00 pour un cours de chimie) pour voir “Papa Jeff“.
Bref, c’est avec tout cela en mémoire qu’il va falloir vite me ré-approprier mon univers. Enfiler le bon costume pour ne pas être décalé avec un environnement qui ne comprendrait sans doute pas l’étrange nostalgie que je ramène chaque fois de mes voyages. C’est parfois presque aussi lourd que 66 kilos de bagages.

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Je suis retourné au Bénin. En tant que président de l’association “Les Enfants de Togbota“ (j’adore écrire ça), je me dois de surveiller mes ouailles et mes investissements. Parti avec la grippe, je l’ai généreusement distribuée autour de moi afin de réduire les inégalités entre les pays du Nord et du Sud.
Durant mon séjour, j’ai pu rencontrer le “responsable du quartier“, un élu qui fait office de chef dans chacun des 12 quartiers qui composent le village de Togbota, 4000 âmes dont plus de 3000 enfants. J’ai également rencontré Constance et Rodrigues qui s’occupent de l’accueil des enfants dans l’école que mon association finance. Soixante d’entre eux y vont chaque jour, garçons et filles.
J’ai renégocié avec le propriétaire, Monsieur Sauvi, le lopin de terre où est installée l’école et j’ai rencontré l’infirmier du “dispensaire“ d’Oujra. J’y ai mis des guillemets tellement l’endroit est éloigné de ce que l’on est en droit d’attendre d’un lieu qui prodigue des soins : déjections de chauves souris jonchant le sol, les matelas (ou ce qu’il en reste), le matériel de soin… je n’ai pas de mots pour décrire ce que j’ai vu. Cf la photo illustrant cet article.
La sage-femme m’expliquait que lors des accouchements, la salle de travail est tellement petite et le matériel si usé, que le sang gicle sur les murs qu’il faut nettoyer à chaque fois avec de l’eau et un chiffon (mais le sang séché qui maculait encore les murs démontrait l’inefficacité de cette méthode). L’armoire à médicaments pour tout un village est à moitié vide et tout juste bon pour répondre à un besoin en “bobologie“… Triste, rageant. Il faut faire quelque chose mais j’aurai besoin de plus de moyens pour cela. Il faut refaire du ciment pour empêcher les chauve souris de  pénétrer le bâtiment, mettre des paravents pour isoler les malades, carreler le sol, changer les lits, les matelas, électrifier le bâtiment avec des panneaux solaires pour que les femmes puissent accoucher autrement qu’éclairées par une lampe torche tenue entre les dents d’une sage femme, installer des brasseurs d’air car la température est suffoquente etc.
Rendez-vous était pris également avec Léonel pour parler du délicat problème de la ferme solidaire qui ne produit pas assez et qui, comparée à son coût, est loin de la rentabilité. Je suis arrivé avec l’intention de lui expliquer qu’on allait arrêter et puis… J’ai vu la ferme. Impeccablement entretenue, aucun chiendent dans les allées, les parcelles parfaitement délimitées, toutes les installations que j’avais fait construire il y a 2 ans fonctionnent toujours : puits, château d’eau, groupe électrogène, système d’irrigation. Un petite jardin à l’anglaise au milieu de la brousse…
Les 2 employés étaient là, debout et silencieux. Installés sur des bancs de bois, sous un toit végétal nous protégeant du soleil, j’ai expliqué à Léonel mon point de vue, la responsabilité qui était la mienne vis-à-vis des donateurs etc. Puis Léonel a pris la parole, posément, entendant tous mes reproches, comprenant mon impatience et ma déception, m’opposant en retour les conditions climatiques extrêmes qu’ils avaient dû essuyer ces derniers mois : les inondations qui ont détruit une bonne partie du maïs puis les 4 semaines de sécheresse qui ont suivi. Il a poursuivi sa défense en expliquant qu’une ferme ne se gérait pas comme on gère un commerce : j’achète le lundi un objet 100 francs que je revends le mardi 110 en encaissant une petite plus value au passage. La terre nécessite du temps pour être apprivoisée, être préparée et que tout cela nécessite une vision à long terme et non à court terme. 2 ans à l’échelle d’une ferme, c’est très peu d’autant que le choix du maïs n’était pas le sien mais celui d’Urgence Afrique. Il m’a expliqué que malgré les catastrophes climatiques qui ont ravagé la région, la ferme, notre ferme, est la SEULE a avoir réussi à produire du maïs et que cela a même permis la plantation d’une deuxième parcelle.
Leonel m’a convaincu. Abandonner maintenant serait une bêtise. Le poulailler est magnifique, bien bâti et les poules qui sont le résultat d’un croisement qu’il a réalisé lui-même seront plus résistantes aux parasites. J’ai vu des gens passionnés, travailleurs et volontaires, fourmillant de projets et d’idées et ne demandant qu’à être appuyés financièrement pour continuer. Alors je suis revenu sur ce que j’avais décidé et on va continuer mais différemment : on abandonne le maïs qui est une culture trop fragile pour la région et ne rapporte pas assez en terme de récolte et on va planter 500 bananiers qui en donneront 900 la deuxième année. A trois ans, la ferme pourrait être proche de l’équilibre.
La journée s’est terminée avec la distribution des vêtements que vous m’aviez confiés (plus de 60 kilos grâce à Air France et notamment le Commandant Laurent Biraud). Si je dois garder un souvenir de  cette journée, ce sera cette petite fille qui avait repéré une paire de sandales blanche avec deux grosses pétales de cuir habillés de “diamants“ et qui, me les pointant du doigt, me demandait silencieusement de les essayer. Je lui ai passé aux pieds afin de vérifier sa pointure : elles lui allaient parfaitement. Ma petite Cendrillon releva la tête avec un sourire incroyable (ils sont d’ordinaire très pudiques avec les “yovos“, les blancs) et ses yeux semblaient m’interroger : “elles sont vraiment à moi ??“ Là, j’ai senti en moi un immense sentiment de joie et puis quelques larmes ont mouillé mes yeux. Je lui ai souri pour lui signifier qu’elle pouvait les emmener avec elle et je l’ai regardé s’éloigner en riant et criant dans son dialecte que je ne comprends pas. Nous ne sommes pas dit un mot mais nous nous sommes dits beaucoup de choses. Elle n’avait jamais rien possédé de si précieux ; des chaussures qu’en Occident, nous jetons tous les jours quand nos enfants ne rentrent plus dedans ont comblé les rêves d’une petite africaine…
Malheureusement, il n’y en a pas eu assez pour tout le monde. 3000 enfants à habiller, c’est trop… Les petits étaient tellement nombreux, massés autour de la “Case des Enfants“ où les essayages avaient lieu, que l’escalier d’accès s’est effondré sous le surpoids. Quand je suis sorti sur la terrasse pour comprendre la cause de ce tumulte, une foule s’est mis à m’interpeler et à scander mon nom “Jeff, Jeff !“, me demandant quelque chose, n’importe quoi, tendant des bras dans ma direction, m’implorant de leur donner à eux aussi un tee-shirt, un short, une paire de chaussures… C’était assez frustrant et gênant d’entendre tous ces enfants crier mon nom comme si j’étais une divinité capable de multiplier les paires de chaussures, un dieu capable d’accomplir des miracles. Malheureusement, je ne suis qu’un homme et j’ai dû battre en retraite, m’enfermer pour attendre que le calme revienne. Cela a duré trop longtemps et leurs cris raisonnent encore dans ma tête.
Voilà pour ce long récit de mon séjour à Togbota et des décisions qui ont été prises. Il faut continuer à financer cette association pour que je puisse m’occuper désormais du dispensaire public qui a un besoin URGENT de travaux.


J’en ai marre d’attendre que François Volfin, mon chef monteur préféré, ait le temps de monter mon film tourné il y a quelques semaines au Bénin alors je vous en distille quelques moments ce qui me permettra de vous expliciter ce que vous voyez.
Dans le village où je vais, à Togbota, il y a une école que j’aide comme je peux en leur fournissant des craies, des cahiers, des uniformes (obligatoires), des vêtements d’occasion que beaucoup d’entre vous me confient et que je distribue dans les classes.
A chaque fois que j’entre dans une salle de classe, voilà l’accueil auquel j’ai droit. C’est une marque de respect vis-à-vis de celui qui vient leur rendre visite, surtout lorsqu’il vient de loin. C’est pas beau ?
Au fait, le maïs que j’ai acheté avec votre argent a été planté la semaine passée sous la pluie et cela augure d’une bonne récolte au mois d’août. Eugène, mon associé sur place, a réussi à vendre une partie des téléphones et tout le matériel dentaire ce qui nous a permis de collecter 46 000 CFA ce mois-ci !

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