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J’aime vous ouvrir de temps à autre mon album souvenirs, mon carnet secret où je couche mes expériences passées, mes anecdotes que j’essaye toujours de rédiger sous le trait de l’humour et du décalage. C’est ma façon à moi de prendre du recul par rapport aux événements joyeux ou tristes que je traverse, de me tenir à bonne distance du pathétique et me prémunir de trop grandes désillusions.
Il m’est revenu aujourd’hui une histoire qui m’est arrivée il y a quelques temps déjà. Je vais vous conter un épisode (véridique) de ma vie alors que je pensais avoir rencontré la pièce manquante au grand puzzle de ma vie.
Pour elle, je m’étais transformé en laquais, en tourtereau transi d’amour prêt à tous les sacrifices pour satisfaire le moindre de ses désirs et mieux encore : les anticiper. Mes amis ne me reconnaissaient pas et certains se moquaient de ce romantisme suranné dont je débordais. Bref, j’aimais comme jamais et je suivais l’ombre de sa main comme un toutou affectueux et obéissant. Attentions multiples et variées, il ne se passait pas un jour sans que mon imagination ne s’accorde au diapason de mon cœur pour trouver l’idée qui illuminerait son regard. Je n’ai, hélas, pas souvent trouvé de lueurs dans ses jolis yeux durant les quelques semaines qu’a duré notre relation mais je mettais ses silences sur le compte de la pudeur et cela ne m’empêchait nullement de continuer à lui faire la cour avec frénésie.
Pour elle, j’ai vidé son lave-vaisselle (je vous jure !), j’ai nettoyé ses plaques de cuisson encrassées (avec une éponge ! L’horreur pour moi qui suis épongiphobe), j’ai fait des courses dans des magasins un samedi après-midi, vidé ses poubelles et même fait du tri sélectif ! Et je ne vous parle pas des petits cadeaux destinés à transformer ses journées en Noël quotidien. Et le plus beau est que je faisais tout cela avec le sourire aux lèvres.
Un jour, je lui proposai de terminer les travaux qu’elle avait entamés dans ses WC deux mois auparavant sans jamais les terminer. Son entrée était embarrassée de pots de peinture et de bouteilles de White Spirit et je me suis dit que ce serait une belle preuve d’amour que de lui donner la main, moi le néophyte complet question bricolage, moi qui fais appel à une entreprise pour changer un interrupteur et qui n’ai pas tenu un pinceau depuis le cours préparatoire.
Je reçus l’autorisation de la Kommandatur (elle était très autoritaire) de passer une dernière couche d’enduit et donc, un matin, je revêtis ma tenue de combat (un simple caleçon) pour mener à bien cette tâche qui allait m’amener, espérais-je, à pénétrer durablement le Valhalla de ses sentiments. Je ne savais pas encore que ces travaux serviraient de sépulture à notre amour défunt.
J’étudiai avec attention la notice inscrite sur le pot d’enduit et me consacrai à ma mission avec la précision d’un Léonard de Vinci et le souci de bien faire d’un Maître Compagnon de France. Je passai 2 bonnes heures à enduire les murs de cette pâte collante en essayant de ne pas trop penser au travail urgent que je devais rendre le lendemain. Quand on aime, on ne compte pas.
Quand je quittai son appartement, j’avais le cœur gonflé d’orgueil et de fierté. J’avais réussi ! J’étais heureux de lui avoir fait ce cadeau, un peu à la manière d’un enfant fabriquant en cachette un collier de pâtes pour l’offrir à la Fête des Mères.
Je reçus un SMS quelques heures plus tard me remerciant pour mon labeur. J’étais heureux de l’imaginer ébaubie dans ses toilettes, se murmurant à elle-même : “quelle chance d’avoir trouvé un homme qui me gâte autant !“
“Mission accomplished !“, pensais-je, tel le George W. Bush du bâtiment ; mais le soir, quand je rentrai chez elle, l’ambiance fut tout autre. Je la savais capable de brusques changements d’humeur (bipolarité ?), mais je ne réussis jamais à m’y habituer.
Alors que je pensai être honoré tel un soldat rentrant du front, je me fis gronder comme un garnement à qui l’on jette à la gueule son collier de pâtes en vociférant : “c’est quoi cette merde ? Tu crois que je vais porter un truc pareil autour du cou ?“
Elle me convoqua rapidement dans ses toilettes, m’intima l’ordre de fermer la porte derrière nous et de l’écouter attentivement. Je n’eus d’autre choix que de m’exécuter sinon c’était la Cour Martiale et un transfert à Guantanamo où des militaires m’auraient appris à respirer sous l’eau dans une baignoire.
Nous voilà tous les deux enfermés dans un cabinet de toilettes n’excédant pas 1,5 m x par 1 m pour une réception de chantier où je ne fus pas à la fête… J’avais apparemment très mal travaillé et ce n’était pas “du tout comme cela qu’il fallait faire“. Ma compagne m’expliqua que mon initiative était une catastrophe pour elle et que loin de lui faire plaisir, lui procurait bien du soucis ainsi qu’un travail de ponçage conséquent et fastidieux à venir. Elle ajouta à ses griefs le fait que depuis que j’avais voulu dépanner son ordinateur, celui-ci marchait beaucoup moins bien, qu’elle recevait également de nombreux spams depuis que je lui adressais des mots d’amour par mail et que j’avais abimé la serrure de sa porte d’entrée depuis qu’elle m’avait confié un double de ses clefs. Bref, mon dossier s’épaississait dangereusement…
J’avais le sentiment de me trouver devant un professeur qui me rendait un zéro pointé en m’humiliant devant toute la classe. Pourtant… il me paraissait bien ces murs à moi… Surtout pour des WC… Mais elle m’expliqua avec dureté qu’elle était très exigeante et qu’elle ne donnait pas le même sens que moi au mot qualité.
Penaud, déconfit, je lui répondis en bredouillant des excuses, que dès le lendemain, je corrigerai ce travail de sagouin dont elle avait fini par me convaincre et que je poncerai ces murs pour les rendre aussi lisse qu’une peau de bébé. Elle m’avertit alors qu’elle ne tolérerait aucune poussière dans son appartement et qu’il fallait que je prenne toutes mes précautions afin d’éviter une plus grande catastrophe.
Autant vous dire que la pression sur mes épaules était grande quand, le matin suivant, je m’enfermai dans ses toilettes que j’avais calfeutrés afin qu’aucune poussière ne vagabonde. Cloitré dans les sanitaires, l’air fut rapidement irrespirable pour mes poumons et je pense qu’il doit encore s’y trouver des résidus d’enduit qui déclencheront sans doute un cancer prochain. Bref, après plus d’une heure passée à frotter vigoureusement les murs, je faisais glisser, satisfait, un doigt sur les parois immaculées afin d’en contrôler la douceur et la régularité.
Un manteau blanc de poussière m’habillait mais j’avais prévu un ensemble de papier journal disposé sur le sol afin de guider mes pas jusque dans la salle de bain sans risquer de tâcher le précieux carrelage de ma dulcinée. Une fois lavé, je décidai de passer l’aspirateur puis la serpillère afin de supprimer toute trace de mes efforts.
J’étais heureux et fier de mon œuvre, certain cette fois-ci que le dragon avec lequel je vivais à l’époque serait aux anges, reconnaissant et amoureux.
J’attendis toute la journée un SMS de gratification qui ne vint jamais. “Elle doit être trop bouleversée pour trouver des mots qui n’existent pas dans le dictionnaire ou bien elle n’est pas encore rentrée chez elle“, pensais-je naïvement. Je me suis imaginé cueillir les fleurs de la gloire le soir en rentrant à son domicile, tel Jules César après la conquête des Gaules. Mais non. Je fus accueilli d’un froid baiser rapidement donné. Tiens donc… Elle n’aurait donc pas fait pipi ? Aurait-elle oublié la mission que je m’étais assignée la veille ?
Au bout de 20 minutes d’ignorance et n’y tenant plus, je tentais une approche en douceur : “tu as… vu que j’avais poncé les WC ?“. Sa première réponse me laissa coi : “Ah non ! J’ai pas eu le temps !“ (son excuse préférée, celle derrière laquelle elle se réfugiait dès qu’elle se sentait coupable de quelque chose). Quelle force de la nature pensais-je intérieurement : grosse travailleuse, remarquable femme d’intérieure, elle n’avait même pas eu le temps de faire une courte halte dans les toilettes pour soulager sa vessie après une journée de travail chargée. Quelle abnégation ! Je l’admirais tellement que sa réponse ne m’offusqua pas. Quelques secondes plus tard, elle m’interrogea de loin : “ah… Tu n’as pas fait les murs ?“ “Si, si !“, lui rétorquai-je un brin choqué, ajoutant pour lui faire prendre conscience de la mesure de ma tâche que j’avais passé une heure et demie à tout poncer et nettoyer derrière moi.
Vous savez ce qu’elle m’a répondu ? “Ce n’est pas grave, je vais le refaire“. Je m’attendais à une médaille, une fanfare, un premier prix de quelque chose ou un simple merci mais je ne reçus que ces mots en guise d’anathème : “ce n’est pas grave, je vais le refaire“.
Cette histoire fut la goutte de peinture qui fit déborder le pot. Je n’obtins jamais d’excuses car, handicapée émotionnelle à la limite de l’autisme, elle ne réussit jamais à comprendre le mal qu’elle m’avait fait. D’une manière générale, elle ne comprenait jamais la peine qu’elle causait à son entourage, sa famille, son associée et le peu d’amis qu’elle comptait. Sûre d’elle et de son charme, persuadée d’être une femme aimable en tout point, elle ne se rendait pas compte qu’elle mettait tout en place pour qu’on ne l’aima plus, préférant trouver loin d’elle des explications à son long célibat et ses multiples échecs amoureux.
Je compris grâce à cet épisode que mes fleurs ne seraient jamais assez colorées, que les gâteaux que je lui ramenais seraient toujours trop secs, mes attentions inutiles et que je perdais un temps précieux à déverser mon amour dans un panier percé. On ne sauve pas les gens malgré eux, on ne peut pas non plus les aimer s’ils ne le désirent pas et je décidai donc de reprendre ma liberté pour aller enduire d’autres murs. J’étais certain que la prochaine fois, je récolterais l’étreinte que je pense mériter ; même si le travail est mal fait 🙂
Le jour même de cette prise de conscience, je me souviens avoir été interviewé par une journaliste qui me demanda quelle était la qualité que je préférais chez une femme. Je ne sais pas ce que j’aurais répondu d’ordinaire mais ce jour-là, après avoir été l’innocente victime de son égoïsme congénital, je répondis sans hésiter : la gentillesse.
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Un ami est venu dîner à la maison hier soir pour me parler d’amour. De son (nouvel) amour. Les gens amoureux me font sourire (et un peu envie admettons-le) car ils ont un sourire béat sur leur visage en toute circonstance. Vous pouvez leur annoncer toutes les mauvaises nouvelles du monde, ils vous répondent sereinement : “ce n’est pas grave“, “demain est un autre jour“ et autres billevesées d’une vacuité sans fond.
Les amoureux semblent planer, flotter en l’air comme un ballon d’hélium lâché par la main d’un enfant sur le parking de Disneyland Paris alors que le père court en râlant après la mince ficelle de raphia pour tenter de rattraper le morceau de latex qui lui a couté 14,50 €. Mon pote est irrattrapable. Je l’ai compris alors que je l’écoutais parler “d’elle“ devant l’assiette qui refroidissait sans qu’il ne touche au délicieux magret de canard que je lui avais cuisiné. J’ai couru un peu pour tenter de le faire descendre mais j’ai vite cessé mes gesticulations car je m’épuisais pour rien. Sa radio ne fonctionnait visiblement plus depuis qu’il avait franchi la stratosphère.
Elle est blonde, possède deux bras, deux jambes, un joli sourire mais alors que je ne voyais qu’une banale femme, mon ami me décrivait une princesse, une sirène sortie des flots pour le charmer de son chant envoutant (et mortel).
J’ai tout essayé, enchainé mille arguments censés, je l’ai supplié d’ouvrir les yeux, de contempler la réalité ; j’ai tenté de lui faire comprendre que les choses allaient sans doute un peu vite (il vient de la rencontrer !) et qu’il fallait raison garder mais non… L’amour est le plus puissant des stupéfiants que je connaisse. Le hashish, la cocaïne et l’ecstasy peuvent aller se rhabiller : face à l’amour, ils sont aussi efficaces que des pastilles Valda.
Le pire est que l’homme dont je vous parle est un costaud, un type qui a pas mal baroudé et qui a eu son lot de femmes, vous voyez le genre ? Quelqu’un qui “sait“, un expert qui connait la fragilité des relations inter-sexuelles, qui a expérimenté la précarité des sentiments et qui a éprouvé les affres du chagrin d’amour. Je l’ai ramassé à la petite cuillère il y a quelques années de cela et ce n’était pas beau à voir. Je le pensais guéri pour toujours, que suite à ce drame, il se contenterait d’émotions faciles et de relations tranquilles. Voler, oui, mais à basse altitude. Rester modeste et observer la Terre à la hauteur d’un drone et non d’un satellite géostationnaire.
Mais il est trop tard. J’ai compris qu’il était foutu. Le pire reste que cette relation lui fait perdre complètement les pédales et qu’il dévale la pente en klaxonnant sans se rendre compte des risques de chutes. A la vitesse où il fonce, s’il y a du gravier sur l’asphalte, ce n’est pas de la ré-éducation qu’il lui faudra mais une oraison funèbre.
Mon ami (appelons-le Gilles pour lui donner une humanité) est pourtant quelqu’un de réservé et raisonnable, se livrant peu et maitrisant ses émotions. Bref, un type au sang froid frôlant le zéro absolu.
C’est pour cela que lorsqu’il a évoqué sa relation avec sa “bien-aimée“, je me suis fissuré de l’intérieur. Figurez-vous qu’il lui a déjà envoyé des “je t’aime“ et qu’il se délecte d’exposer à l’objet de son cœur, toutes ses failles, ses doutes et autres questionnements au sujet de l’avenir qu’il se voit bâtir avec elle ! Alors là, je n’ai pu me retenir et j’ai bondi de ma chaise (j’avais fini mon magret) : “mais Christian, tu déconnes complètement ! On ne balance pas un “je t’aime“ à une femme avant au moins deux ou trois mois ! C’est écrit partout et nul n’est censé ignorer la Loi ! Tout le monde te le dira ! Et puis qu’est-ce que tu vas lui parler de tes doutes ! Une femme a besoin d’être rassurée, de sentir qu’elle a un homme solide devant elle et pas un type souffreteux et vulnérable que le moindre courant d’air va aplatir ! Christian, tu dois penser comme Bruce Willis et tu lui fais du Jacques Villeret ! C’est quoi la prochaine étape ? Tu vas l’appeler “maman“ et lui offrir une bague achetée en 3 fois sans frais au Manège à Bijoux d’une galerie marchande ? Ressaisis-toi ! Je ne te reconnais plus !“
J’avoue avoir été un peu dur avec lui mais il fallait que je le secoue, que je le sorte de la léthargie hypnotique dans laquelle il baigne depuis le début de cette relation. Cela n’a pas fonctionné. Il m’a regardé en souriant (toujours ce putain de sourire) et m’a lâché “tu ne peux pas comprendre“.
Je l’ai laissé repartir vers son avenir avec son bonheur en bandoulière et ses fleurs dans les cheveux. Alors qu’il descendait les escaliers, je l’ai entendu qui sifflotait l’air de “l’ami Ricoré“. De quoi être inquiet. Inquiet et un peu convoiteux aussi.
J’espère qu’il ne lui arrivera rien et qu’il ne se trompe pas d’altitude. Voler est envoûtant et tous les pilotes sont des victimes consentantes.

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Ma fille est rentrée l’autre jour de l’école en m’annonçant qu’elle avait une rédaction à écrire en français et qu’elle souhaitait mon aide. La jolie blonde de mon cœur est suffisamment éclairée pour avoir intégré qu’il ne fallait rien me demander en physique ou en chimie mais qu’en français, je ne me défendais pas trop mal. En effet, j’éprouve depuis toujours de grandes difficultés avec les molécules et les atomes alors que la grammaire et le vocabulaire me sourient cordialement en chœur. Je reste d’ailleurs persuadé que le directeur de la centrale de Fukushima a loupé une grande carrière littéraire.
Le devoir de ma princesse est à rendre après les vacances et nous avons donc travaillé dans le train qui nous ramenait de Paris où nous avons visité le Parc Astérix et le musée Beaubourg qui consacrait une exposition à Roy Lichtenstein (les grands écarts culturels ne me font pas peur !).
Lorsque je lui demandais quel était le sujet de la rédaction qu’elle devait produire, celle-ci me répondit : “je dois raconter un souvenir heureux ou malheureux de mon enfance.“ “Et qu’as-tu donc choisi de raconter, ma chérie d’amour ?“ la relançais-je alors que les téléphones crépitaient dans le wagon bondé de ce TGV où les appels téléphoniques sont censés (dans un monde idéal) être passés de la plateforme. “J’ai choisi de raconter ta séparation“ m’a-t-elle alors annoncé d’une voix pusillanime. “Ah…“ est tout ce que je réussis à lui répondre sur le moment puis, retrouvant un souffle d’asthmatique en plein test d’effort, je l’ai sondé quant à l’idée de raconter un souvenir heureux, telle la naissance de son petit frère ou le dernier titre de champion de l’OM. Non, elle ne voulait rien entendre et sa décision était prise de longue date. La bougresse souhaitait raconter cet épisode douloureux bien que banal, qui touche 1 couple sur 3 dans les sociétés occidentales. Comme quoi la banalité d’une expérience ne la vide pas de sa substance.
Elle n’est pas arrivée les mains vides et elle m’a alors fait lire un texte qu’elle avait rédigé il y a quelques mois. Tout y était et si jamais sa prof de français est dépressive et équipée d’une gazinière, il y a de fortes probabilités pour que le corps enseignant perde un de ses membres lundi prochain et que le directeur ne soit obligé d’intervenir en classe pour aborder la question du suicide.
C’est fou ce que ma fille a éprouvé lors du départ de ma compagne. Je ne le découvre pas aujourd’hui et je savais que cela n’avait pas été facile pour mes enfants, surtout pour mon aînée qui était très complice, mais je feignais de croire que les choses étaient “rentrées dans l’ordre“ et que cette histoire avait été digérée par eux à défaut d’être totalement effacée.
J’ai du constater dans ce train qui me ramenait à 300 kilomètres/heure vers Marseille qu’il n’en était rien et que cela l’avait “construite“ différemment. Un peu à la manière des nouvelles normes anti-sismiques qui sont en vigueur dans certaines zones géographiques du monde, elle s’est équipée elle aussi de nouvelles normes anti-douleurs. Plus résistante aux chocs, elle y a perdu en contre partie, un peu de son innocence d’enfant. C’est l’événement le plus triste qu’elle ait connu de ses quatorze premières années sur Terre et je me sens diablement responsable de ce triste bilan.
C’était très bien écrit et très touchant et je n’ai pas eu envie de trop altérer ce qu’elle confiait à, feu son professeur de français. J’ai juste corrigé quelques fautes d’orthographe et je l’ai félicitée pour la qualité de son récit mais il y a une phrase de conclusion qui m’a chagriné et qui m’a fait réagir. Elle devait conclure son récit en exposant ce que cet épisode avait changé chez elle et elle a confessé que plus jamais elle ne ferait “confiance à un adulte“ car elle s’était sentie trahie.
J’ai enregistré son document, j’ai refermé le laptop siglé d’une pomme et j’ai entrepris de la convaincre qu’il ne fallait pas réagir ainsi. Que c’était la vie, que personne ne l’avait “trahi“ et qu’elle pouvait continuer à me faire confiance car j’apprends de mes erreurs. Je lui ai expliqué que tout l’amour qui lui avait été donné par mon ex-compagne n’était pas du toc et qu’au contraire, elle devait prendre ça comme un beau cadeau qui lui avait été offert. Que la vie sépare parfois les couples mais que cela ne devait pas remettre en cause ses croyances et ses espoirs ; que l’amour existe et qu’il faut juste en prendre soin quand on le trouve. Qu’elle devait aussi transformer les épreuves et les échecs en leçons de vie et en succès. François Mitterrand (qui en connaissait un rayon question “échec“) disait quelque chose de très fort dans son livre “Ma part de vérité“ : “La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec.“
Je ne sais pas si mes arguments ont porté mais je ne cesserai de les lui marteler car je suis convaincu d’avoir raison et qu’il n’y a rien de pire qu’un enfant sans espoir.

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Je l’affirme haut et fort : je crois bien que l’amour existe encore. Réduit à l’état d’échantillon embryonnaire que seul un microscope à force atomique est capable d’observer, je le pensais en voie de disparition comme le français, le romantisme, l’ours polaire ou les santiags et puis… j’ai été invité au mariage d’un couple d’amis que j’aime beaucoup et pour lequel je suis confiant. Même un cynique comme moi est forcé de le reconnaître : ils seront heureux longtemps ces deux-là. J’en fais le pari.
J’ai pu les observer dans leur habitat, sur leur lieu de travail, à la nuit tombée, sur terre et sur mer et j’ai été convaincu que l’amour n’était pas mort. Ils se connaissent parfaitement depuis de longues années et respectent leurs (nombreuses) différences car ils regardent ensemble dans la même direction (même s’il ferme les yeux sur la photo). Les crises et les coups de gueule ne viennent que cimenter un peu plus le couple qu’il forme et ils en ressortent encore plus forts. C’est beau de voir un édifice s’élever dans le ciel quand les fondations sont solides.
La mariée était somptueuse dans sa robe laissant un dos aussi nu que celui de Mireille Darc dans le “Grand blond avec une chaussure noire“ et j’ai tout fait pour tenter de rattraper le bouquet qu’elle a lancé à la fin de la cérémonie… mais il a atterri dans d’autres mains.
Je vais devoir attendre le prochain mariage pour essayer d’en ramasser un ou bien… me rendre chez mon ami fleuriste Alex pour qu’il m’en prépare un rien que pour moi !

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Ma fille m’a touché avant hier (elle me touche souvent par sa sensibilité et sa douceur) en me posant une question qui m’a désarçonné du cheval de certitudes sur lequel je galope en sautant les haies de la vie avec l’assurance des champions hippiques.
Alors que je l’avais au téléphone pour prendre de ses nouvelles, elle m’a dit d’une voix timide et cassée : “il faut que je te parle d’un truc papa…“ J’attendais patiemment la suite, le cœur battant et voilà qu’elle m’explique que la veille, à la soirée du camping où elle passe ses vacances en compagnie de son petit frère et sa maman, un garçon est venu l’inviter à danser. “Je lui ai dit non et il a insisté. Tu es certaine que tu veux pas danser ? il m’a redemandé. Alors j’ai fait un sourire mais je lui ai dit, oui, oui, je suis sûre.“ J’avais envie de la féliciter pour avoir résisté aux assauts de ce jeune garçon qui avait été tenté de la saisir par la taille afin de l’emmener dans un tourbillon de musique endiablée où sa raison aurait été certainement mise à mal.
Mais le plus touchant est lorsqu’elle a ajouté : “j’avais de la peine pour lui, papa. Je me suis trouvée pas très gentille d’avoir refusé. Il avait l’air triste“. Alors je lui ai expliqué que la vie était bâtie de la sorte : le garçon propose et la fille dispose. C’est une règle immuable que tout le monde connait depuis la nuit des temps et qu’il n’y avait donc pas de malaise à avoir (je ne lui ai volontairement pas parlé de ces pays où le garçon impose et la fille ferme sa gueule, afin de ne pas l’effrayer).
Afin de la déculpabiliser totalement, je lui ai parlé de mes nombreux échecs en la matière (pas tous, sinon j’aurais bouffé mon forfait). La conversation dura un peu et je réussis à la faire sourire mais avant de raccrocher, je lui rappelai une chose capitale : elle mérite ce qu’il y a de mieux et elle ne doit jamais céder à la facilité.
Je lui confiais alors les efforts qu’il m’avait fallu fournir pour conquérir sa maman et je lui rappelais la persévérance qui fut la mienne pour envouter la jeune femme qui avait partagé notre vie par la suite. Je lui révélais toutes les “épreuves“ qu’il m’avait fallu passer pour décrocher le droit de vivre à leur côté en lui faisant comprendre qu’à son tour, il faudrait qu’elle en use pour faire le tri entre les garçons mal intentionnés et ceux qui sont sincères et prêts à patienter pour conquérir le cœur de celle qui fait battre le leur.
Je suis heureux et fier qu’elle ait pu être l’involontaire témoin de la volonté et de l’acharnement qui furent les miens pour tenter de reconquérir il y a quelques années l’amour de celle que j’avais perdu. Je lui ai expliqué qu’il fallait qu’elle s’en inspire et qu’elle soit exigeante en plaçant la barre très, très haute.
J’ai conclu notre conversation si intime en lui expliquant qu’elle aura encore de nombreux “non“ à donner pour que le “oui“ qu’elle acceptera d’offrir ait la préciosité d’un cadeau unique.

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Ça y est, elle a pris sa décision. En fait, non, les femmes n’agissent jamais sur un coup de tête et sa décision, elle l’a prise depuis un long moment. Si les femmes ne provoquent pas de rupture sous le coup de l’impulsivité, elles sont par contre capables de rester des mois, des années, avec celui qu’elles n’aiment plus. Elles hésitent souvent avant de passer à l’acte alors elles multiplient les jokers qu’elles distribuent à leur compagnon en espérant qu’il s’en saisisse et qu’il change en profondeur. Celui-ci se rend rarement compte que, tel le héros d’un jeu video, ces jokers négligés sont autant de “vies“ qu’il perd, l’amenant inéluctablement sur l’autel de la séparation. Game over.
L’homme est un être sourd et aveugle et, pour faire court, un peu con parfois. Mais revenons à son histoire, à elle. Elle a 34 ans, elle est belle comme un cœur, possède tout ce qu’il faut dans le cerveau pour rendre un homme heureux et surtout, elle possède en elle un trésor que peu de gens savent cultiver : des valeurs. Fille de paysans, ses parents lui ont transmis les fondements d’une éducation où le bien et le mal ne se panachent pas. Elle est une fleur des champs qui pousse au milieu du béton des villes, portée par deux beaux pédoncules, elle tend haut vers le ciel ses pétales multicolores en essayant de rivaliser avec les grues obstruant le ciel.
Elle n’a pas eu de chance avec les hommes, tombant toujours amoureuse de celui qui profitera d’elle ou bien d’un autre qui fera semblant de l’accepter telle qu’elle est avant de la couvrir d’opprobre. Enfin quand je parle de chance, ce n’est pas totalement la vérité et je ne voudrais pas l’absoudre en la transformant en victime innocente. On est tous responsable de ses actes et elle n’échappe pas à la règle. Je serais tenté de dire qu’elle ne sait pas choisir et que, pétrifiée à l’idée de passer ses soirées seule, elle se précipite vers celui qui lui fait le plus beau sourire et lui murmure les plus belles promesses, se persuadant à chaque tentative que “cette fois-ci, c’est le bon“.
Mais il y a quelques jours elle a décidé, dans un élan de clairvoyance, de dire stop. Lorsque les femmes deviennent lucides, perdant leurs illusions de femmes comblées, elles sont implacables. Elle a expliqué avec douleur et tact, à celui qui vient, en quelques secondes, d’échanger son patronyme contre la locution ex pour les années à venir, qu’elle s’était trompée et qu’elle ne l’aimait plus.
Et la voilà seule face à moi, les yeux gonflés par les larmes qu’elle déverse avec générosité le long de son doux visage. Elle ne comprend pas pourquoi elle est éplorée alors que c’est elle qui s’en va et je tente de lui expliquer qu’il est triste de quitter quelqu’un quand bien même l’amour a disparu. Elle est convaincue de commettre une erreur en laissant s’échapper “quelqu’un de bien“ et se persuade qu’elle finira seule, édentée, sénile avant l’heure, abandonnée sur un banc public. Je tente de la rassurer quant à cette issue peu probable et finalement, c’est tout ce dont elle a besoin : être rassurée et comprise.
Je suis heureux pour ma part qu’elle ait réussi à se sortir d’une relation dans laquelle elle ne s’épanouissait pas, se mentant régulièrement sur les qualités idéales que possédaient son “amoureux“. Elle ne désirait pas être seule et il était un bon compromis à ses attentes, à ses rêves. Je retrouve une amie avec laquelle je vais pouvoir voyager, rire et partager de beaux moments si tant est qu’elle le souhaite.
Pour ma part, je pense qu’en amour, il ne peut y avoir de compromis. L’amour doit tout balayer et il ne peut subsister le moindre doute quand on aime. L’amour c’est une avalanche de neige immaculée déforestant tout sur son passage, c’est un tsunami modifiant inexorablement le relief ; c’est une explosion thermonucléaire qui ne laisse rien debout.
On est là, devant celui ou celle qui est l’ignorant responsable de ce cataclysme, on tremble de partout, on a la cage thoracique qui rétrécit et rend la respiration difficile. On ressent une vague de chaleur envahir tout son corps et on a peur de s’évanouir au beau milieu des badauds. Le cœur bat dans la poitrine à la vitesse d’une boite à rythme et on perd l’appétit durant plusieurs jours. Un homme amoureux n’est jamais plus dangereux qu’au guidon de son scooter, déboitant sans regarder son rétroviseur, tournant sans clignotant, plus rien ne le concernant, le code de la route capitulant devant celui qui n’est plus obsédé que par une chose : rejoindre celle qu’il aime.
C’est cela l’amour, je crois. C’est cela l’amour auquel je crois.

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