Les piques de table m'ont trahi

piques 43 800Vous connaissez tous ces petites piques de table que l’on retrouve habituellement plantées dans des canapés et autres petits fours se dégustant à l’apéritif. Il est une règle non inscrite dans le Code Pénal du Savoir Vivre en Société qui veut que l’on n’en prenne pas plus d’un ou deux, trois pour les plus gourmands, en guettant du coin de l’oeil ses voisins pour se caler sur leur rythme et ne pas donner l’impression que l’on se jette sur la nourriture comme un rottweiler sur le mollet d’un facteur. C’est ainsi que les choses doivent en théorie se passer car dans le cas où l’un des invités a du retard, il faudra bien veiller à ne pas se goinfrer et se couper l’appétit. Gardez en mémoire que ce n’est qu’un apéritif…
C’est ce qui m’est arrivé un soir alors que le dernier convive cumulait plus d’une heure de retard. L’estomac dans mes Adidas, j’avais de plus en plus de mal à garder ma concentration intacte et la syncope me guettait ; l’hypoglycémie à l’affût, j’essayais de comprimer un hurlement primaire qui aurait fait passer le clabaudage d’un néandertalien pour un oratorio. Je m’enfilais compulsivement les aliments transpercés par ces piques de bois en guettant ma montre, ivre de rage contenue (attention à ne pas avaler les piques de bois quand vous êtes dans cet état. Il serait con de finir aux urgences alors que le repas n’a pas été servi).
L’invité arriva enfin, confus de son retard, une bouteille de vin dans les mains en guise d’offrande au dieu de la politesse qu’il avait passablement irrité. J’eus très envie alors de lui insérer sa bouteille dans le fondement en vociférant un : “tu sais où tu peux te la mettre ta bouteille de Bordeaux ?“ mais je préférais grimacer un sourire poli à celui que je haïssais depuis plus d’une heure.
Bien m’en a pris car je connus juste après un grand moment de solitude. Tout occupé à étouffer ma faim, je ne m’étais pas rendu compte que le problème avec le canapé transpercé d’une pique de bois réside dans le fait qu’il en reste toujours quelque chose : la pique de bois, implacable témoin de la voracité de l’Homme.
Je contemplais mon assiette et j’y vis alors un petit tas de bâtonnets de bois tranchant avec l’immaculée blancheur de l’assiette en porcelaine. Un monticule de bûchettes que n’aurait pas renié un castor mâle souhaitant mettre à l’abri sa progéniture, s’étalait devant moi comme autant d’indices me désignant comme un goujat incapable de dompter son appétit.
Je cherchai un temps un endroit pour m’en délester discrètement mais il était trop tard et la maitresse de maison fit une remarque amusante et légère sur la présence des 1300 piques de bois conglobées sur sa vaisselle avant de m’en débarrasser prestement pour ne pas appesantir ma gêne.
J’ai retenu la leçon : il n’est pas bon d’avoir trop de piques, sauf au poker.

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