Le beau gosse à la planche

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J’ai passé une partie de mon dimanche après-midi sur une plage marseillaise, au milieu d’un océan de serviettes de bain criardes, de ballons gonflables et d’une impressionnante collection de maillots de bain aux motifs léopard, fluo, avec ou sans franges. Cela sentait bon la crème solaire et la transpiration et j’ai compris alors, pourquoi le célèbre marseillais Jacques Mayol avait choisi l’apnée comme discipline sportive.
Plongé dans l’antre du mauvais goût, mes yeux moqueurs se repaissaient de ce spectacle affligeant de la France en week-end.
Mon attention fut alors titillée par un homme à la musculature entretenue, la crinière blonde et abondante et la peau caramélisée par des heures de bronzette ou bien tannée sur l’échafaudage d’une entreprise en bâtiment. Il était beau et il le savait, provoquant une rotation axiale de la tête des nombreuses femelles présentes ce jour là sur le mince tapis de sable séparant la double voies de la Mer Méditerranée. Elles semblaient heureuses d’avoir à se mettre sous la dent autre chose que les chouchous qu’un malfaiteur leur vendait 3 € le sachet.
Les conversations s’arrêtèrent alors que l’athlète glissait sur le sable d’une démarche souple et assurée. Slalomant avec la grâce d’un danseur cubain entre les parasols et les déjections canines, le bronzé se dirigeait vers la mer turquoise. On aurait dit un lion s’avançant vers un point d’eau au milieu d’un troupeau de zébus s’écartant pour lui laisser le passage. Les enfants sortaient de l’eau sous les cris de leur mère alors que les maris, papas et la communauté masculine dans son ensemble, baissaient la tête en signe de soumission ; ravalant leur fierté et cachant la dent de requin que certains portaient autour du cou sur une forêt de poils. Nous étions vaincus par cet homme à la beauté biblique et il ne servait à rien de rentrer nos ventres ou dissimuler nos Kronembourg : l’affaire était entendue.
L’imberbe à la virilité pourtant bien tangible, portait une planche à voile et l’effort physique qu’il accomplissait faisait saillir les muscles de ses bras. La température montait un peu plus à chacun de ses pas sur le sable et même ses pieds semblaient beaux… La chaleur devint incandescente quand le roi des animaux pénétra les flots glacés sans ralentir sa cadence. On aurait cru à une publicité pour Coca-Cola Light
J’étais fou de rage, ruminant intérieurement des insultes à l’encontre du bellâtre qui ruinait d’un coup tous les espoirs que j’avais fondés sur l’entraînement quotidien que je m’impose. Ma méthode s’appelle “Dix pompes par jour pour ressembler à Daniel Craig tout en mangeant des frites !“ et je la teste depuis bientôt un mois avec des résultats, somme toute, mitigés. Après une observation objective et précise, je dirais que je ressemble plus à une pomme de terre qu’à Daniel Craig mais je vais continuer quand même.
La raison de ma colère était simple : le playboy venait de capter l’attention de toute une plage alors que personne ne m’avait regardé quand j’étais allé goûter l’eau. Mais cette injustice fut bientôt réparée pour mon plus grand soulagement et la satisfaction de mon ego…
Une fois à l’eau, celui qui ressemblait au comédien Matthew McConaughey, monta sur sa planche et là… ce fut un autre festival. Le baraqué à la démarche chaloupée était aussi à l’aise sur son engin à voile que Roselyne Bachelot dans une robe The Kooples. On avait interverti les bobines et ce n’était plus le même Disney : le Roi Lion s’était transformé en Dumbo. Je jubilais alors qu’il chutait bruyamment dans la mer, remontant maladroitement sur sa planche immaculée pour tenter d’extraire sa voile gorgée d’eau… Ayant de flagrantes difficultés avec les notions d’équilibre et de gravité, “Matthew McConaughey“ retombait immanquablement à la baille provoquant des éclats de rires sardoniques en mon for intérieur. Ses échecs renforçaient la confiance en moi. Douze ans de psychanalyse pour arriver à ce constat… Si j’avais su…
Le balèze s’obstinait à vouloir se déplacer à la force du vent et plus il essayait, plus il se débattait, plus il tombait, plus je me rapprochais de l’orgasme intérieur.
Objectivement ridicule sur son engin flottant, je mesurais la vitesse à laquelle les situations peuvent s’inverser dans la vie. Il est fascinant de constater la rapidité avec laquelle on peut passer de Matthew McConaughey à Mister Bean. C’est rassurant pour les petits, les sans grades, bref, tous ceux qui ne font pas partie de la caste des “beaux gosses“. C’est la revanche mesquine des chauves, des ventrus et des poilus…
Vous vous sentez déprimé, vous n’avez pas le moral ? Allez à la plage et scrutez l’eau. Il se pourrait bien que vous y trouviez des raisons (peut-être pas très morales) de vous réjouir et d’apprécier la vie.
J’ai toujours rêvé d’apprendre à faire de la planche à voile mais j’attendrai l’hiver prochain pour m’y mettre.

2 Responses
  1. Noname

    Hihihi ! Bonjour Jean-Francois ! Tres bon article, vous m’avez bien fait rire merci ! Du grand Jean-Francois ! Quant au bellâtre, au moins il n’a pas eu peur du ridicule à essayer de monter sur sa planche sous les yeux de toute la plage. C’est la belle morale que je retiendrai de votre article. Et non vos conclusions viscelardes : rejouissez vous du malheur des autres ! 😉😉

  2. Chantal Cecini

    Whaouuuuu !!!superbe texte…j’adore, mais …Oh que c’est laid de se moquer !!!😂😂😂😂!!! Et contrairement à vous Monsieur Carias, je lui trouve beaucoup de « classe » d’essayer devant tout un parterre de moqueurs, de faire de la planche à voile!!! Ooooooh le pauvre s’il avait su que Jeff Carias rodait il se serait abstenu!!! 👏👏👏👏

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