Juste quelqu'un de bien…

Je ne sais pas si c’est l’approche des fêtes qui provoque cela mais je ressens un spleen beaudelairien chez certaines de mes amies et cela m’émeut. Un grand nombre de celles-ci se trouvent toutes en même temps dans un état dépressionnaire qui me chagrine et pour lequel je me sens bien impuissant.
Le point commun de toutes ces femmes aux âges divers est la solitude qu’elles vivent au quotidien. Pas la solitude des draps (celle-ci connait des remèdes bien connus qui ne nécessitent aucune ordonnance), non, je veux parler de la vraie solitude : la solitude du cœur.
La solitude touche énormément de monde en 2012 et les femmes dont je vous parle ont des âges allant de 30 à 43 ans. Étrangement, leurs attentes sont assez similaires et cela a été une vraie surprise pour moi qui suis l’observateur de leur mal être et occasionnellement, leur confident désarmé. Elles veulent « juste » rencontrer quelqu’un de bien. Aucune ne formule d’exigence extravagante et même les plus jeunes n’osent plus réclamer un géniteur, toutes prêtes qu’elles sont à sacrifier leur besoin maternel en échange d’une paire de bras dans laquelle s’abandonner. Non, « juste quelqu’un de bien », comme si ce souhait semblait si difficile à satisfaire aujourd’hui. L’homme providentiel revêt l’apparence du Graal et beaucoup préfèrent ne plus y croire (ou faire semblant) afin de ne plus souffrir d’insatisfaction. Comme si notre société ne fabriquait plus ce modèle d’homme « juste bien », devenu aussi rare que le rhinocéros blanc.
Une femme de 30 ans qui vous avoue qu’elle n’aspire plus à rien et ne croit plus en l’amour, cela est très triste. C’est un peu comme si un jeune enfant vous annonçait qu’il ne croit pas au Père Noël.
Moi, à 30 ans, j’étais empli d’espoir et de projets. Même si le futur a voulu que ces projets volent en éclats, il reste que j’y croyais et que j’étais heureux à la veille de fonder un foyer. Aujourd’hui, toutes ces amies qui me confient leurs soucis et leur désespoir semblent être désabusées, fatiguées d’avoir été trompées, exténuées d’avoir couru si longtemps après celui qu’elles pensaient être le bon et qui s’est avéré chimère.
Alors elles pleurent, elles dépriment. Certaines se réfugient dans le pot de Nutella, d’autres au contraire maigrissent à vue d’oeil. L’une d’elle m’a apostrophé l’autre jour et m’a demandé comment je faisais pour « vivre aussi bien mon célibat ». J’ai réfléchi avant de lui proposer une réponse qui soit à mi chemin entre le réconfort et la vérité et puis, elle a avancé une réponse pour moi : « tu ne crois plus à rien, cela doit être plus facile sans doute ».
Je ne sais pas si je ne crois plus à rien mais il est certain que je n’ai pas le même angle de vue que cette jeune femme de 14 ans ma cadette.
Reste que tout cela m’attriste et que je m’interroge sur le pourquoi de cette société qui laisse de côté des femmes belles, intelligentes, réussissant dans leur travail et socialement « installées », possédant tout ce dont un homme peut rêver.
Certaines explorent les sites de rencontres et me racontent ce qu’elles y trouvent (ce qui leur rend, l’espace d’un instant, leur jolie sourire et qui me fait exploser de rire). Il y aurait un livre à écrire sur les sites de rencontres tant la misère sentimentale y fleurit. C’est le royaume de la consommation, le temple du jetable : on passe, tel un papillon, de fleur en fleur dans des champs plus vastes que ceux décorant les plaines de la Beauce. On butine, on lutine, on s’enivre d’essences féminines ou masculines mais on ne s’arrête surtout pas : il y a tant de pistils auxquels se frotter.
On empile, on accumule, on collectionne avec la frénésie du lépidoptèriste, mais il est rare de trouver l’amour. Quoique… En écrivant cela, je pense à une femme que je connais qui a rencontré son compagnon sur un site de rencontres. Elle s’est mariée au mois d’août dernier. J’ai appris il y a deux jours qu’elle trompait son (jeune) mari avec son patron.
Pourquoi je vis si bien mon célibat ? Peut-être parce que l’Enfer, c’est les autres ?