Petite angoisse du quotidien : j'ai trouvé un ressort

J’en suis arrivé à vous narrer des choses de moins en moins intéressantes et vous voudrez bien m’excuser mais je manque d’inspiration en ce moment. Quoique… Je souhaite m’entretenir avec vous d’une petite angoisse du quotidien que nous avons tous expérimentée un jour ou l’autre, à savoir la découverte d’un ressort.
Pour ma part, j’ai trouvé la pièce métallique dans un lieu où elle n’avait nullement sa place, ce qui n’a fait qu’accentuer mon effroi et gonfler mes craintes. La première question qui nous vient naturellement lorsque l’on tombe sur ce petit objet tournicotant sur lui-même est la même que l’on pourrait se poser à propos de la création du monde : d’où vient-il ? Et pour répondre à cette question oppressante, vous commencez à balayer du regard la pièce dans laquelle vous vous trouvez afin de découvrir un objet susceptible d’avoir accueilli en son sein l’organe mécanique. Mais rien ! Vous ne trouvez rien et pourtant, il vient bien de quelque part ce ressort !! Sans lui, je ne sais quel cataclysme va irrémédiablement arriver et détruire sans hésitation aucune, l’appareil dont il était l’un des rouages essentiels !
Vous avez beau chercher, retourner tout ce qui peut se retourner dans votre salle de bain, rien n’y fait. Ni le tube dentifrice, ni le flacon de Kenzo ne sont susceptibles d’accueillir un tel élément mécanique.
Après un long moment où la déglutition se fait difficile, vous tenez toujours votre ressort entre le pouce et l’index et vous vous posez alors la seconde question qui surgit dans ces moments-là : que vais-je en faire ? Le garder dans un tiroir avec tous les autres objets trouvés, clefs sans serrures, boutons de chemise, pile usagée (ou non ?), jusqu’à votre prochain déménagement ? Ou bien le jeter, là, maintenant, afin de tourner la page et dissoudre la sourde angoisse qui monte en vous au point de vous faire perdre la raison ?
J’ai choisi la deuxième option avec courage et efficacité. Je me revois, la main tremblante au dessus de la poubelle… les doigts emprisonnant mon ressort se desserrent lentement mais ce dernier reste incrusté dans la peau charnue de mon pouce, bien décidé à s’accrocher à la vie, refusant de sombrer dans l’oubli et les détritus. Mon ressort est beau dans sa lutte pour survivre mais ma décision est prise : je secoue lentement mon pouce et la pièce à spirale se détache enfin pour plonger dans l’abîme et disparaître sous les coton tiges, emballage de dentifrice et autres poils fraichement épilés…
Je suis resté dans le calme de ma salle d’eau comme pour respecter une minute de silence à la mémoire du “ressort inconnu“ et je me suis saisi de ma tondeuse électrique afin d’égaliser une barbe devenue folle.
Ma tondeuse a refusé de démarrer. Et si… ?