La facture du garagiste

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Je ne sais pas si ce que je m’apprête à vous livrer ici a déjà été partagé par vous mais vous me le direz au travers de vos commentaires. Je voudrais aborder l’expérience qui consiste à aller chercher son véhicule chez son garagiste tout en jouant à se demander pour combien on va en avoir.
J’ai poussé mardi mon scooter jusqu’à la concession Honda car ce dernier refusait de démarrer depuis mon retour du Bénin. La mine du mécanicien affichait une ignorance totale quant à la cause de ma panne. “On va regarder !“ m’a-t-il lâché pour masquer ses lacunes, avant de me laisser repartir à pieds chez moi, pétri de doutes, mais nourrissant à l’encontre de l’homme de sciences une forme d’admiration. Ne connaissant rien à la mécanique (qu’elle soit quantique ou automobile) je contemple toujours les gens aux mains gantées de cambouis, avec des yeux emplis de respect et de déférence.
Après 3 jours passés en soin intensif à l’hôpital du 2 roues, j’ai reçu un appel du responsable du SAV me prévenant que mon scooter était prêt et que je pouvais venir en prendre livraison. A partir de ce moment là, j’ai été traversé par des sentiments divers : la joie de voir mon statut de piéton s’achever et l’effroi quant à la facture qu’il allait me falloir acquitter.
Pendant que mes pas me rapprochaient inéluctablement du commerce en mécanique, de terribles pensées m’assaillaient de toutes parts et j’essayais de me figurer le montant de la douloureuse qu’il me faudrait régler dans quelques instants. 50 € ? Non… ce n’est pas sérieux. Et pourquoi pas gratuit pendant qu’on y est ! J’imaginais mal mon mécano m’annoncer : « voilà, c’est réparé Monsieur Carias ! Il est comme neuf !… Non, non, vous ne me devez rien, ça me fait plaisir !“. 100 € ? Oui, cette somme me semblait être proche du prix exact qu’il m’en couterait pour récupérer mon deux roues. Allez… 120, 140 € maximum ! Pour les frais de mains d’œuvre et la Maison des Orphelins de Mécaniciens.
Mais, dès mon arrivée dans l’échoppe sentant bon l’essence et l’huile de moteur, j’ai compris que je m’étais lourdement fourvoyé en tentant de capter le regard fuyant de mon interlocuteur. Il n’arrivait pas à me regarder en face comme s’il se sentait coupable de je ne sais quel méfait, fouillait dans ses tiroirs, pianotait sur son terminal d’une main distraite tout en me glissant sans me regarder “je suis à vous tout de suite…“. Une fine goutte de sueur perla le long de ma colonne vertébrale lorsqu’il accepta enfin d’affronter mon regard pour me dire : “bon… on a trouvé la panne mais c’était pas facile ! On a mis du temps !“ Ce préambule n’était là que pour me préparer psychologiquement à la suite, un peu comme le médecin devant annoncer à son patient qu’il est condamné et qui débute par “bien, j’ai eu vos résultats du labo et je dois vous dire qu’ils ne sont pas aussi bons que je l’espérais. Vous avez prévu de partir en vacances à Noël ?… Oui, ben faudra annuler.“
“L’homme cambouis“ m’expliqua alors que mon scooter avait été la victime de… rats qui ont dévoré tous mes câbles électriques en pénétrant dans le moteur. Après la cause, démarre la deuxième étape consistant à vous noyer sous les termes techniques pendant qu’il ajoute des lignes sur la facture qu’il tape devant vous.
“On a du changer la bobine électrique… je préfère vous le dire“. Pendant la première partie de la phrase, il vous regarde avec un air embarrassé. Il voit bien que vous n’avez pas plus idée de ce à quoi sert une bobine électrique dans un scooter, que du subjonctif plus-que-parfait dans une phrase pour un étudiant en chaudronnerie sous pression. La deuxième partie de la phrase est l’antichambre de la douleur, celle qui signifie : “ça va douiller mon garçon“. Et effectivement, cela douille quand vous voyez le prix s’afficher dans la colonne “prix hors taxe“.
Vous vous demandez s’il n’y a pas eu erreur et qu’il ne vous a pas compté plusieurs bobines électriques mais non… Le sous-total s’affiche déjà et vous sentez vos jambes tressaillir… mais ce n’est pas fini ! Vient le coup de grâce : la main d’œuvre. L’homme tape un chiffre aussi long qu’un numéro de sécurité sociale et vous pensez un instant à un code barre mais là encore, c’est non… Le total général s’affiche sur l’écran blafard du moniteur et vous constatez alors qu’il vous faut verser au monsieur la moitié du prix que ce scooter vous a couté lors de son achat.
Vous sortez votre carte bleue mais elle est de couleur verte lorsque vous la rangez dans votre portefeuille. Vous enfourchez votre scooter qui prend la valeur d’une œuvre d’art et vous démarrez la tête un peu embrumée pour regagner vos pénates infestées de rats mangeurs de câbles électriques.
Désormais, je leur laisserai un peu de fromage sur ma selle afin qu’ils changent leurs habitudes alimentaires. Le gruyère est beaucoup plus abordable que mon meccano…

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