Ces petits drames du quotidien (2)

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L’après-midi de cette même journée où j’avais croisé la route de ce couple d’origine maghrébine, j’avais rendez-vous avec Nicole, la psychologue qui accepte de m’écouter depuis maintenant… 9 ans ! J’ai fait des pauses ceci dit au cours de notre “relation de travail“. C’est d’ailleurs pendant une de ces longues pauses que ma vie a chancelé aussi je me suis promis de ne plus lui lâcher “complètement“ la main.
Au cours de cette séance (que je vois plus comme un entretien, une discussion entre 2 amis), je lui ai raconté mon désarroi de ne pas avoir pu aider ce couple. Je lui ai raconté par le menu détail, comme je le fais avec vous, le triste spectacle auquel j’avais assisté quelques heures auparavant et je lui ai parlé des 200 € que j’avais pensé donner à ces gens. Elle a posé un silence (elle est hyper balèze pour poser des silences qui sonnent comme des cloches, un lundi de Pâques) et elle m’a dit : “tu es vraiment tout petit. Ta vie est étriquée, que ce soit quand tu as des projets professionnels ou bien que tu veux aider ton prochain, c’est toujours trop petit.“ Je ne sais pas comment cela s’appelle en psychothérapie mais j’appelle cela une claque. La bougresse a poursuivi en essayant d’édulcorer ses propos car elle voyait bien que j’étais à 2 doigts de m’évanouir. “Pourquoi te contenter de les aider petitement ? Tu es fait pour accomplir de grandes choses ! Quand tu es amoureux, tu fais des choses folles, grandioses, tu escalades des montagnes alors pourquoi être si petit dans les autres pans de ta vie ?“ J’ai eu l’impression de comprendre un truc (ce qui est rare avec elle) et j’ai écourté ma séance pour traverser toute la ville, juché sur mon scooter afin de retrouver la trace de ce couple.
Je suis retourné à la banque mais le guichetier n’était pas là. Son remplaçant insistait pour me venir en aide mais je lui répondais qu’il fallait que je parle à son collègue et que j’attendrai le temps qu’il faudra. Mon cœur était en joie à l’idée de “rattraper“ ce que j’avais loupé le matin même. Nicole avait eu raison, il fallait que je sois “grand“ ! Ce n’était pas 200 € dont j’allais leur faire cadeau, mais beaucoup plus ! Me retrouver dans la peau du bon Samaritain est un sentiment difficilement explicable mais disons que cela fait énormément de bien.
Quand le guichetier du matin est revenu à son poste, je lui ai alors expliqué l’objet de ma visite : je cherchais à retrouver la trace d’un couple qu’il avait vu le matin même. A mon grand désespoir, il a été incapable de me fournir un nom. Il n’avait pas le droit de le communiquer. J’ai eu beau lui expliquer que c’était pour aider ces gens, il n’a pas pu/voulu se souvenir de leur nom. “J’en vois tellement des gens toute la journée !“ m’a-t-il répondu en guise de point final. Je lui ai précisé que ces gens là étaient particuliers : ils avaient des difficultés financières. Il a souri et a ajouté “si vous saviez le nombre de gens qui ont des difficultés financières en ce moment…“
J’étais battu. J’étais abattu. Je ne les avais pas retrouvés…
La morale de cette histoire (si toutefois on doit en trouver une) est qu’il ne faut pas réfléchir quand on veut faire le bien et aider son prochain. Je me suis persuadé qu’ils prendraient mal cet argent dont je voulais leur faire don et si… et s’ils les avaient pris en me remerciant 1000 fois de ce cadeau venu des cieux ?
J’y pense souvent et j’ai des remords de ne pas avoir agi. Si un jour, vous ressentez le besoin d’aider quelqu’un, comme ça, gratuitement, n’hésitez pas : foncez. Comme disait Sénèque, “nul châtiment n’est pire que le remords“ mais je terminerai avec cette citation de George Bernard Shaw que je mettrai en pratique dorénavant : “pour éteindre le remords, il n’est que de renouveler souvent l’acte qui l’a fait naître“.

1 Response
  1. Loredana

    Rien de tel que l’impulsivité pour ne pas avoir de remords. Quoique des fois on évite pas les regrets.
    Contente que le ton ait gardé la même ligne. La psy a fait du bon boulot 🙂
    Belle fin de journée Jeff (☼_☼)

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