Trop de dons tue le don

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Edito du 7 décembre 2011 pour News Of Marseille.
Il y a plusieurs moyens de se rendre compte que l’on approche de Noël : la température baisse, la mairie accroche d’immondes lampions aux réverbères et les trottoirs sont recouverts d’une foule bigarrée et convoiteuse, se récréant devant les vitrines annonçant une fouletitude d’offres “spéciales Noël“.
Mais c’est un autre aspect du quotidien qui m’a fait prendre conscience que nous approchions des fêtes de fin d’année sans espoir d’y réchapper : les appels aux dons. Ça n’arrête pas : Banque Alimentaire, Restos du Cœur, Téléthon, Sidaction… tout le petit monde caritatif se réveille en même temps pour aller frapper aux porte-monnaie faméliques de mes concitoyens.
36/37, numéros de boîte postale, chèques à libeller à l’ordre de, troncs disposés jusque dans les boulangeries… Je suis assailli dans la rue, à la radio, à la télé, au supermarché par une horde de quémandeurs qui me donnent mauvaise conscience et révèlent dans la solitude de ma salle de bain, l’égoïste que je suis quand je me retrouve face à mon miroir.
J’en ai marre de détourner la tête, faire semblant de ne pas voir la femme sans âge, à la dentition gâtée, qui fonce sur moi avec une sébile dans la main. J’en ai assez de regarder le Téléthon en admirant la générosité de mes concitoyens mais voyant ce plaisir gâché par les interventions régulières des animateurs qui ânonnent un numéro de téléphone en m’invitant, dans une forme de psittacisme, à formuler des promesses de dons.
Je me console en répétant cette fameuse phrase que les lâches, les sans-cœur et les égoïstes comme moi répètent comme un tantra quand on leur demande pourquoi ils ne “donnent“ jamais : “Je ne peux pas donner à tout le monde ! Et comme je ne veux pas faire de jaloux, je préfère ne donner à personne. Question d’équité.“
Non mais c’est vrai, il y a trop de misère et puis je ne dispose pas de moyens financiers suffisants. Je suis en train de mettre de l’argent de côté pour me payer une Rolex avant mes 50 ans et mon budget n’est pas extensif. Mais attention toutefois : je ne suis pas un salaud intégral. Pour le Sidaction, j’arbore un petit pin’s représentant un ruban rouge ; pour la collecte de denrées alimentaires, je fouille mes placards à provision afin de me délaisser de vieilles boîtes de maïs gonflées par la péremption (j’ai donné une boîte collector de maïs Géant Vert datant des débuts de la marque et le fameux Géant n’est encore qu’un enfant sur l’étiquette. J’espère seulement que l’heureux bénéficiaire appréciera à sa juste valeur le cadeau que je lui fais). Pour les Restos du Cœur, je dîne régulièrement avec les plus pauvres d’entre nous afin de leur montrer qu’on peut être vêtu de la tête aux pieds par Kooples et Armani et s’intéresser à leur alimentation (pas terrible d’ailleurs… quant au service, il est catastrophique). Pour le Téléthon, je m’investis à fond et je regarde France 2 pendant 24 heures, ce qui relève de l’exploit. Enfin bref, je fais un minimum pour me sentir solidaire de toute cette misère humaine ; question d’éthique.
A propos du Téléthon, j’ai vécu quelque chose d’étrange samedi dernier. Alors que je regardais mon écran de télévision en me pandiculant dans mon lit recouvert par une épaisse couette en plumes d’oie, mes pensées tournées vers tous ceux qui souffrent du froid dans la rue, j’ai été heureux de constater que le chiffre des promesses de dons avaient atteint la somme astronomique de 27 094 320 euros ! J’étais enchanté et fier de faire partie de ce peuple de France et je songeais à ce que tous les médecins allaient pouvoir faire avec cette somme faramineuse et puis j’ai déchanté. Ce n’était pas le Téléthon que je regardais mais le tirage de l’Euromillions et le magot allait être empoché par un unique gagnant… français (cocorico !).
Je me suis dit alors que quelque chose clochait dans notre monde et je me suis senti un peu mal. Il est vrai que nous sommes tous très sollicités pour donner de l’argent à ceux qui n’en ont pas mais ne donner à personne ne peut pas être une solution.
J’ai appelé le 36/37 et fait une promesse de don de 20 € qui ne mettra pas en danger l’équilibre budgétaire de mon foyer.
P.S. : et puis… je me suis dit qu’une promesse n’engage à rien, non ?

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