Le phoning me rend dingue

96760672
Cela fait 3 jours que je vis dans l’angoisse, me cachant dans l’ombre de mes pas, ne décrochant mon téléphone que lorsque l’identifiant s’affiche sur l’écran tactile du combiné. Je fuis, je me terre pour éviter… une télé-opératrice du CIC. 3 jours qu’elle me poursuit de son assiduité pour me proposer un rendez-vous et me parler Assurances Vie et Défiscalisation. Un homme normal, en pleine possession de ses moyens se contenterait d’un “merci, mais cela ne m’intéresse pas“. Moi, non. Je suis incapable d’éconduire un importun de la sorte. Je me sens OBLIGE de ne pas le décevoir. Je sais à quel point il peut être ingrat de passer 7h45 par jour au téléphone à appeler une liste de numéros anonymes que me crache un ordinateur. Surveillé de près par un chef de service trop content d’avoir su grimper dans la hiérarchie, il connaît tous les trucs pour n’en foutre pas une et il veille, tel un caporal de régiment, à ce que le rendement ne faiblisse pas dans les rangs.Les télé-prospecteurs doivent tenir la cadence déterminée par les hommes du marketing et obtenir, coute que coute, des résultats. Tout est conçu pour qu’ils n’atteignent jamais les objectifs irréalistes fixés par des patrons soucieux de leurs marges et qui, de ce fait, ne leurs versent jamais les primes sur objectifs promises à l’embauche.
Bref, lors du premier appel, j’étais en salle de montage et j’avais 4 personnes autour de moi. Il aurait été facile d’envoyer promener la jeune femme à l’autre bout du fil, mais non… toujours cette grandeur d’âme qui m’empêche parfois de me conduire comme un animal. Je lui réponds, après qu’elle m’ait débité un laïus de 27 secondes, appris par cœur lors de séminaires de formation animés par des psychologues militaires spécialistes des techniques d’interrogatoire :
– Ecoutez, c’est gentil mais là je suis occupé.
– Voulez-vous que je vous rappelle à un autre moment ?
(ici, j’aurais du dire non mais comme un imbécile, j’ai répondu autre chose. L’exact contraire de ce que je souhaitais lui balancer en fait.)
– Oui, si vous voulez.
– Demain à 19h00 ?
– D’accord (quel con !)
Le lendemain, dès 18h30, je me suis mis en mode surveillance. Dès que le téléphone vibrait, mon cœur s’arrêtait de battre quelques instant. A 19h05, la hyène, conformément à sa menace, me rappelait avec la régularité du métronome. Je laissais sonner l’iPhone avec cette effrayante mention qui barrait l’écran : “Numéro masqué“. Ouf, je l’avais échappé belle ! J’avais gagné ! Assurément, la hyène du CIC, dégoutée d’avoir été trompée de la sorte, aller passer à une autre victime !
Mais non. Les psychologues chargés de sa formation avait fabriqué une machine de guerre, une arme redoutable qui, tel est un Terminator, ne lâchait pas sa proie une fois sa cible verrouillée. Elle m’a rappelé hier. Fatigué par une journée éprouvante, elle avait su profiter de ce bref moment d’abandon pour défoncer les barrières de ma méfiance au volant d’un 4×4 de détermination. Surpris et terrifié par la voix qui commençait à m’être familière, j’ai eu une réaction incohérente. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris… J’ai fait la connerie de répondre ceci à la jeune femme qui m’appelait sur MON PORTABLE :
– Allo, Monsieur Carias ?
– …Non.
– Vous n’êtes pas Monsieur Carias ?????
– Non… il est pas là (voix merdeuse du type qui ment sans aucune assurance)
– Mais ce n’est pas son portable que j’appelle ????
(je m’enfonçais dans le ridicule et je sentais mon visage rougir sous l’effet abrasif de la honte qui m’envahissait. Comment avais-je pu me mettre dans une situation pareille ? Raccrocher maintenant ? Ce serait reconnaître mon forfait. Non, je décidais de continuer dans la voie du mensonge. Advienne que pourra ! Je ne pouvais pas rendre les armes car j’étais allé trop loin. C’était à la vie à la mort entre elle et moi désormais).
– Si, si, mais là, il n’est pas là. Il est très occupé en ce moment (cela faisait bizarre de parler de moi à la 3e personne. Deviendrais-je comme Alain Delon ?).
– Ah… Très bien (je pouvais entendre, aux sonorités de sa voix, qu’elle ne gobait rien du tout. “Prends-moi pour un con !“ semblait-elle conjecturer). Quand est-ce que je pourrai le joindre (“tu veux jouer à ça avec moi ducon ? Ok ! On verra qui craquera le premier !“ continuait de penser cette femme de bon sens et de devoir) ?
– Je ne sais pas, je ne connais pas son agenda (je me pinçais les lèvres pour ne pas hurler. J’étais debout dans ma cuisine et j’avais pourtant le sentiment d’avoir 1 pied dans la 4e dimension. Le gauche).
– Demain, vers midi peut-être ? (“je t’aurai Carias ! J’en ai eu des plus coriaces que toi !“)
– Oui, je lui ferai la commission.
Et voilà. Il est 10h56 et j’ai encore 1h04 à patienter avant que “Numéro masqué“ ne cherche à me joindre à nouveau pour me vendre des assurances. Si je lui dis que je ne suis pas intéressé, elle va se douter que je n’ai pas cessé de lui mentir depuis le début de notre “histoire“. Je ne vois qu’une solution : prendre rendez-vous avec un conseiller financier du CIC et souscrire une Assurance Vie. Ainsi, l’honneur sera sauf et j’aurais “gagné“ face à la hyène du CIC…

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