Lisa, 10 ans, future chanteuse (américaine)

Je ne sais pas vous, mais ma fille est une vraie fille. Petite, elle collectionnait les poupées Barbie et aujourd’hui, du haut (façon de parler) de ses 10 ans, elle veut être chanteuse (“mais chanteuse américaine parce qu’en France, il n’y a pas assez de célébrités“). Elle ne parle que de ça, fait attention à ses habits, à son “look“ et a une connaissance presque totale des tubes passant sur la bande FM. Elle croit dur comme fer qu’elle peut y arriver et sa force de conviction force le respect. Force mon respect. Ce week-end, elle m’a donné une leçon, la petite peste ! Alors que je m’amusais à la filmer avec mon nouvel appareil photo (une merveille que je vais tenter de conserver plus de 6 mois) elle m’a sorti un truc qui m’a fait l’effet d’un coup de poing dans le ventre, un uppercut de bon sens en pleine mâchoire. Alors que je cherchais à la pousser dans ses derniers retranchements, la mettre face à ses contradictions et lui briser ses rêves de notoriété vocale une bonne fois pour toute en lui pointant du doigt les nombreux “peut-être“ que sa rhétorique contenait, elle ma soudainement répondu : “dans peut-être, il y a être“. Waou ! Je ne l’avais pas vu venir celui-là. Elle est incroyable cette petite. En 2009, lorsque j’étais au fond de mon trou après une rupture sentimentale douloureuse pour elle et moi, elle a constamment veillé sur son père, me convainquant de ne pas perdre espoir et râlant même quand elle me voyait baisser les bras. Elle me disait souvent : “si tu ne te bats pas, évidemment que ça ne va pas marcher, réfléchis !“. J’aurais dû être celui qui la consolait mais les rôles ont souvent été renversés à mon grand désespoir.
Elle a une confiance en la vie qui est intense et qui me donne (là encore) une leçon. Comme quoi, il n’y a pas que les gens qui souffrent ou qui meurent qui m’inspirent réflexion mais aussi ceux repus de vie et d’espérance. Ces 2 populations me servent de modèles.
Bien sûr, je suis inquiet comme tout père à qui sa fille déclare qu’elle veut devenir chanteuse à Hollywood. Ceux qui répondent bêtement “ce qui est important, c’est qu’ils fassent un métier qui leurs plaisent“ n’ont souvent pas d’enfants. Je suis bien placé pour savoir que l’industrie du spectacle laboure plus qu’elle n’ensemence. J’en vois beaucoup qui viennent me trouver en me disant : “j’aimerais bien faire de la télévision ou tourner dans des publicités“, “je suis en train d’enregistrer un disque mais j’ai pas de producteur“ etc. Chaque semaine, ils sont nombreux à me demander conseils pour “passer à la télé“ etc. Le sourire des femmes se fait plus aguicheur quand elles vous reconnaissent ou qu’elles apprennent que vous passez à la télévision. Le plus dur ensuite est de faire la part des choses et de savoir faire la différence entre les vrais sourires et ceux de circonstance.
Je vous parlerai d’un de mes fans un jour, Gilbert. Un homme de 59 ans qui rêvent de devenir comédien et qui me poursuit chaque semaine de son intérêt (passion ?). Il possède même ma photo dans son portefeuille ! Alors, quand ma fille me répète à l’envie qu’elle sera chanteuse, cela me fait un peu peur. Je tente de lui expliquer que chef de produit chez Procter&Gamble, ou podologue, c’est bien aussi mais je n’y crois pas moi-même alors c’est dur d’être convaincant. De plus, elle a mon exemple face à elle et Lisa me répète souvent “ben toi Papa, tu fais bien de la télé ?! C’était ton rêve et maintenant tu es sur TF1 !“ (mon passage dans Diane Femme Flic m’a consacré star à ses yeux d’enfant). Alors, bon, je laisse faire en espérant qu’en grandissant, elle découvre les joies de la médecine… Le pire est qu’elle a une jolie voix et que chaque semaine, elle invente de nouvelles chansons (en anglais. Enfin, une langue se rapprochant de l’anglais et qui en possède en tout cas les sonorités). Après ma séparation, elle avait composé d’elle-même une chanson extrêmement touchante où elle parlait de sa tristesse et du vide créé par l’absence de sa “deuxième maman“. Le titre de cette chanson était “Le Destin“ et elle avait insisté pour l’enregistrer sur mon ordinateur et sur son iPod. Je suis sûr qu’un jour, elle en fera un tube qu’elle chantera pendant les séminaires Procter&Gamble consacrés au nouveau segment des lessives liquides javellisées… Mais j’espère surtout qu’elle sera heureuse car elle le mérite.