Un voyage pour dire au revoir

93710466

Ça y est, c’est décidé, je pars aux USA vendredi pour un bien étrange voyage. Depuis que j’ai le billet d’avion entre les mains, je prends conscience des raisons qui vont m’amener de l’autre côté de l’Atlantique. Je vais y rencontrer la mort, faire face à la maladie qui touche une personne que j’aime et qui lutte pour vivre. Combat bien inégal puisqu’une tumeur  a choisi de se loger sous son crâne pour y dévorer son cerveau. Un si brillant homme… Ce qui est frappant, c’est la soudaineté avec laquelle la maladie s’est déclarée et la vitesse avec laquelle elle galope. Elle a toujours un temps d’avance sur les traitements, les médecins et aujourd’hui, Allan a dit stop. Stop aux longues et douloureuses séances de soins pour gagner quelques semaines, quelques jours de rab. Il préfère rentrer chez lui et profiter du reste de sa vie. Il a raison. Il mène un combat qu’il ne peut pas gagner alors autant profiter du temps qu’il reste au milieu des siens.

Il neige là-bas et je songe que je n’ai jamais connu ce paysage sous la neige. Je pars 5 jours. 31 heures d’avions pour 5 jours. Je m’en moque. Je sais par sa femme qu’il a eu un grand sourire sur le visage quand elle lui a annoncé que j’arrivais et cela vaut toutes les heures du monde coincé entre les rangées d’une classe économique.

Je n’ai jamais été confronté à l’annonce de la mort. Bien sûr, je me suis déjà rendu à des enterrements mais c’était toujours des morts “inattendues“ : perdre un grand parent quand on ne possède qu’une conscience d’enfant est une chose soudaine. On ne s’y attend pas car nos parents nous protégent en nous racontant que “Papy va bien. Il est juste très fatigué.“ Et puis, un matin, on nous annonce que Papy est monté au Ciel alors on va à l’église pour assister à son enterrement sans vraiment comprendre ce qu’est la mort. Il y a une disparition qui m’a marqué plus qu’une autre car je la trouvais injuste et brutale : la disparition de mon pote Fonfon alors que nous sortions à peine de Sup de Co, fraîchement diplômés et la vie devant nous. Il est mort aux USA en se baignant. Con comme mort. Rageant. Il nous a tous cueillis dans nos vies de cadres dynamiques que rien ne semblait pouvoir arrêter. Sa mort a eu un effet “positif“ sur moi : j’ai pris conscience que la vie était courte et que tout pouvait s’arrêter net. Lorsque j’ai pris ma décision de changer de vie pour me tourner vers mes passions de toujours, j’ai pensé à Fonfon. Sa photo trône toujours sur mon bureau pour me rappeler que j’ai la chance de vivre la vie que je veux (ou presque). Là encore, sa disparition a été une surprise, un traumatisme auquel personne ne s’attendait.

Ce voyage, c’est autre chose. Je sais que le match que mon ami joue contre la mort est un match truqué. C’est la première fois que je dois me préparer à perdre quelqu’un que j’aime et c’est assez destabilisant à vivre. Je me projette en avant en essayant d’imaginer ce que vont être ces 5 jours mais je crois que je vais être surpris par mes émotions. On ne peut pas prévoir ces choses là. De plus, je sais qu’il a beaucoup changé physiquement en raison des traitements médicaux et qu’il est dans un fauteuil roulant… lui en fauteuil roulant alors que sa voisine Frances, que je connais depuis bientôt 30 ans, a toujours bon pied bon oeil à 90 ans passées. Je l’ai revu cet été, promenant son chien et me saluant d’un tonitruant Hi Jean ! How are you today ?“ Je parlais d’elle avec Allan et nous riions ensemble de la voir en si rayonnante santé. Il ne savait pas qu’il partirait sans doute avant elle.

Une amie m’a dit : “regarde ses yeux. Concentre-toi sur son regard afin de ne pas lui montrer ton désarroi. Tu retrouveras celui qu’il a toujours été“. Je vais essayer ma belle, je vais essayer…

Je ne peux pas m’empêcher de penser avec angoisse au moment où je devrai partir pour l’aéroport et où il faudra que je lui dise adieu. Pour toujours. Je tiendrai un journal de ce voyage car écrire me permet de prendre de la distance par rapport aux événements qui jalonnent ma vie. Cela m’apaise alors je vais continuer à coucher les choses drôles et moins drôles qui m’arrivent car la vie est ainsi faite : un jour on rit, un autre on pleure.

Archives

ut et, eget Donec sit tristique dapibus

En continuant à utiliser le site, vous acceptez l’utilisation des cookies. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer